singulier de les voir reculer devant leurs propres accusations. Ils sont bien à l’aise pour blâmer ! Ce qu’ils écrivaient hier dans leurs feuilles quotidiennes et périodiques, ils peuvent aujourd’hui l’écrire dans l’adresse ! S’ils hésitaient maintenant, que dirait la chambre, que diraient leurs partisans, qui ont fait de ces saintes et vigoureuses attaques leur profession de foi politique ? Que dirions-nous nous-mêmes, spectateurs plus calmes, si, par exemple, la conduite du gouvernement à l’égard de la Belgique, et sa manière d’entendre le traité des 24 articles, n’étaient pas blâmés vertement dans le projet d’adresse, et si l’évacuation d’Ancône, cet acte qu’on a traité, dans la coalition, d’ineptie et de lâcheté, n’était pas rudement fustigé par ceux qui ont articulé, dicté, écrit ces paroles ? En conclurons-nous qu’on les retire ou qu’on les couvre avec prudence au moment où, si elles étaient vraies, elles seraient le plus efficaces ? Ou bien, examinant les nuances d’opinions qui figurent dans la commission, y verrons-nous le triomphe de celles qui se rapprochent des vues du gouvernement en ce qui est des affaires extérieures, et l’abaissement des autres ? En d’autres termes, sera-ce pour nous la preuve que M. Thiers et son parti n’ont pas la majorité dans la commission, et ne l’auront pas, en conséquence, dans la composition du cabinet de coalition qu’on a rêvé et qu’on rêve encore ? Il y a long-temps que nous disons que les doctrinaires entreraient seuls aux affaires, si le cabinet actuel venait à être renversé. Serions-nous destinés à voir jouir d’un triomphe plus grand encore ceux que les dernières élections avaient si maltraités, et qui ne se sont relevés qu’à l’aide de l’alliance du centre gauche ? Ce serait la plus grande des victoires, en effet, que leur entrée aux affaires avec quelques membres du tiers-parti, et peut-être avec M. Thiers, après les avoir forcés d’effacer la devise de leur bannière, et les avoir réduits au rôle tout-à-fait secondaire qu’il est toujours donné à quelqu’un de jouer dans un ministère de coalition.
On dira : Ce n’est pas dans l’adresse, c’est dans la chambre que les partis les plus séparés du gouvernement veulent faire prévaloir et adopter leurs opinions. L’adresse est le résumé des opinions de la chambre. Chaque paragraphe renferme les vues qui ont réuni la majorité dans la discussion. Chaque mot de l’adresse est, en quelque sorte, le reflet des discours qui ont été prononcés dans cette discussion, et un parti qui remettrait ses raisons les plus fortes après la discussion de l’adresse ressemblerait à un général qui perdrait à dessein une bataille décisive, dans l’espoir de vaincre plus tard dans une rencontre. L’objection serait donc mauvaise, et la réserve hors de propos. Le choix des commissaires de l’adresse donne toute latitude à l’accusation, et jusqu’à ce moment, l’accusation a été trop emportée, trop injurieuse, pour avoir pu se modérer en si peu de jours. Si l’adresse est timide, la majorité de la commission sera jugée. Elle aura condamné son propre langage, fait elle-même justice de son exagération. Ce sera là le véritable premier paragraphe du projet d’adresse, et il renfermera une désapprobation de ceux-là même qui l’auront rédigé. Nous ne parlons toutefois que sur des conjec-