Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.



CONCERT
DE
MADEMOISELLE GARCIA.

Je ne sais pourquoi l’apparition des morts est regardée en général comme une chose si horrible et si effrayante ; les esprits les plus fermes sont, à cet égard, aussi faibles que les enfans. Nous frémissons à l’idée de voir reparaître un seul moment les êtres que nous avons le plus aimés, ceux dont la mémoire nous est la plus chère. Au lieu de cette belle coutume des anciens « de séparer par l’action d’un feu pur cet ensemble parfait formé par la nature avec tant de lenteur et de sagesse, » nous ensevelissons à la hâte, en détournant les yeux, le corps de nos meilleurs amis, et une pelletée de terre n’est pas plutôt tombée sur ces corps, que tout le monde évite d’en parler. Il semble que ce soit manquer aux convenances que de rappeler à un fils, à un frère, une mère, une sœur morte ; au lieu de ces urnes qui renfermaient jadis la cendre des familles, et qui restaient près du foyer, nous avons imaginé ces affreux déserts qu’on appelle des cimetières, et nous avons remplacé les évocations antiques par la peur des revenans.

Depuis que Mlle Garcia commence à se faire connaître, tous ceux qui l’ont vue ont remarqué sa ressemblance avec la Malibran, et, le croirait-on ? il paraît certain que plusieurs des anciens amis de la grande cantatrice ont été presque épouvantés de cette ressemblance. On cite, là-dessus, de nombreux exemples, parmi lesquels j’en choisirai un. Il y a à peu près un an, une demoiselle anglaise prenait, à Londres, des leçons de Lablache, qui habitait la même maison que Mlle Garcia ; la jeune personne se disposait à chanter un air de Norma, et son maître, tout en la conseillant, lui parlait de la manière dont la Malibran comprenait cet air ; au moment où l’écolière va se