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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

dépensée ou à dépenser, 15 millions ! Les ingénieurs de la rive gauche ont à se reprocher plus d’une faute que l’état ne doit pas expier. Mais sur les 8 millions absorbés présentement, ou tout au moins sur les 5 millions, équivalens à l’emprunt projeté, et à coup sûr bien inférieurs à ce qu’aurait été un devis exact, ne serait-il pas légitime d’espérer une promesse d’intérêt à 4 pour 100 ?

Cela aiderait beaucoup à la conclusion de l’emprunt, par là presque assuré de son service d’intérêts, même avant aucun prélèvement sur les produits à venir du chemin.

Toutefois il reste un doute à dissiper. Sept millions de plus mèneront-ils à fin le tracé de la rive gauche ? Oui, positivement, si les ingénieurs le veulent, même en continuant leur travail dans les sévères conditions qui les ont dominés jusqu’à ce jour. Mais que l’administration des ponts-et-chaussées daigne, en un seul point, se relâcher de son rigorisme plus qu’inutile, et l’achèvement du chemin avec cette somme deviendra encore plus infaillible, et les plus méticuleux capitalistes prendront, sans hésiter, leur part d’un emprunt qui les substitue par privilége à tous les droits des actionnaires. Ce qu’on demande aux ponts-et-chaussées, c’est qu’ils permettent au tracé de la rive gauche de se terminer, à son entrée dans Versailles, par un double plan incliné. Sans cela, il aura à trouver sa pente continue de quatre millimètres, dans un déblai qui, pénétrant au-dessous de la nappe d’eau des puits, nécessitera des constructions de maçonnerie, c’est-à-dire un surcroît de dépense impossible à évaluer avec certitude. On porte, sans exagération, à plus de 1,500,000 fr. les frais de cette arrivée dans Versailles. Avec la rampe et la contrepente dont nous parlions, et une machine fixe au point de partage, on économiserait un million sur l’établissement de cette seule parcelle du chemin.

La direction des ponts-et-chaussées doit quelque indulgence à ce tracé. Elle a eu envers lui un premier tort, c’est de l’avoir laissé naître ; elle en a eu un second, c’est de lui avoir promis une dot qu’elle lui refuse maintenant. Nous comprenons qu’on eût mieux fait de ne pas la lui promettre, mais on ne peut nier qu’on lui ait dit, il y a deux ans : « Tu seras la tête du chemin de Tours par Chartres. »

Qu’on l’aide du moins à être un chemin de Versailles, et que le premier soin de l’administration soit de déblayer la question des chemins de fer de ce malheureux exemple, fait pour décourager les compagnies, à la veille du jour où l’on va, selon toute vraisemblance, les mettre encore à l’essai sous le patronage d’un nouveau système. Ne commençons pas par des ruines.


Victor Charlier.