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négocier sur les conditions particulières qui devraient précéder l’octroi de la garantie d’intérêt. En effet, il ne faut pas que la faveur subite de cette mesure capitale, ajoutée gratuitement au contrat primitif, aille écheoir exclusivement aux principaux fondateurs et tourner à leur seul profit. Et c’est ce qui arriverait si, avant tout, on ne réglait leurs relations futures et leurs devoirs vis-à-vis des preneurs d’actions de seconde main, infailliblement destinés à accourir sous la protection financière ainsi promise de haut. Or, nous déclarons qu’à l’heure qu’il est, les fondateurs et concessionnaires du Hâvre et des Plateaux, par exemple, sont détenteurs de la majeure partie des actions, soit qu’ils ne les aient pas placées, soit qu’ils en aient retiré à bas prix un grand nombre de la circulation, pour être préparés à cette alternative inévitable, ou d’un secours public, ou d’une liquidation prochaine. Le ministère, et les chambres surtout, ne peuvent vouloir qu’une mesure, prise dans l’intérêt général, comme la dernière ressource du système d’exécution des chemins de fer par l’industrie privée, s’égare en chemin et procure une liste civile à un essaim de puissans capitalistes, qui seraient ainsi à l’improviste récompensés largement de leur inconcevable erreur.

Quand on en viendra aux chemins de la troisième classe, on rencontrera la question la plus scabreuse et aussi la plus urgente qu’il y ait à traiter, et il sera impossible de l’éluder. Il est vrai que la plupart des chemins achevés, ou près de l’être, comptent plus ou moins sur une prospérité continue, et dédaigneront tout secours. Mais il en est un parmi eux, et tout le monde a déjà nommé le chemin de fer de Versailles, rive gauche, qui n’affectera pas le même dédain.

Veut-on en faire une ruine ? Cette question a été posée, mais un seul instant et par des adversaires impitoyables. Il n’est pas croyable qu’aucun ministre des travaux publics eût permis à la discussion, en sa présence, de se traîner sur ce terrain. Avoir autorisé deux chemins de fer de Paris à Versailles, faute grave sans contredit ! Mais en détruire un, déjà si avancé, quelle barbarie ! cela est impossible.

Il faut que le chemin de la rive gauche s’achève. Mais comment ? On sait qu’il a recours, en ce moment, à un emprunt de 5 millions et que, si cet emprunt est réalisé dans un délai fixé, MM. Fould et compagnie ont promis de prendre au pair les 2 millions en actions restant à émettre. Le point important, c’est donc de faciliter la négociation de l’emprunt. Que peut faire, dans ce but, le gouvernement ? Si une législation générale sur la garantie d’intérêt l’investissait d’un pouvoir nouveau, il est clair qu’on ne s’aviserait pas, en lui demandant sa caution, de la calculer sur toute cette somme énorme,