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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

Une autre objection qu’on entend faire souvent, c’est que les petits souscripteurs isolés, si on leur accorde le privilége, jusqu’ici réservé aux banquiers, d’être servis sans intermédiaire, agiront comme les banquiers, et viendront jeter en bloc sur le parquet de la Bourse leurs actions, à peine souscrites, pour peu qu’il y ait un léger bénéfice à réaliser. La comparaison serait exacte, si les titres industriels à répartir étaient de la nature de ceux qui circulent aujourd’hui. Mais la garantie de l’état est une radicale innovation ; il s’agit, grace à elle, d’une classe particulière d’actions, que les spéculateurs de l’ordre le plus humble conserveront, la plupart, n’en doutez pas, comme ils conservent leurs rentes.

On objecte encore, en prenant à la lettre le parallèle entre les actions garanties et les certificats de la dette publique, que, dans le peu d’occasions où le gouvernement a essayé de faire un emprunt par une souscription directe au pair, reçue de toutes mains et pour les plus faibles sommes, il n’a jamais réussi. Les combinaisons basées sur cette idée populaire, qui, du reste, n’était pas de son choix, se sont arrêtées tout court, après un certain élan, dont la portée était d’avance prévue. On cite l’exemple de l’emprunt national, dont l’initiative fut prise par l’honorable M. Rodrigues, dans les premières crises de la révolution de juillet, et qui n’a pas fourni une brillante carrière. Ici encore il n’y a point parité. L’emprunt national laissait ses souscripteurs avec tous les risques de baisse, et avec peu de chances de hausse, étant pris au pair dans un temps de discrédit. Pour les actions garanties, ce serait absolument l’inverse : d’abord, contre la baisse, une assurance agissant avec la force suffisante de 4 pour 100 ; ensuite, pour les bénéfices ultérieurs, toutes les espérances que chacun serait libre de proportionner à la richesse de son imagination. Il est à croire qu’il ne sortirait pas de ces espérances confuses une forte hausse anticipée, et c’est tant mieux ; mais la liste d’actionnaires se remplirait, et c’est tout ce qu’on désire. Nous n’insisterons pas davantage.

Quel que soit le mode auquel on s’attache, une fois dans la voie de la garantie d’intérêt, on distinguerait forcément trois divisions de chemins de fer : 1o ceux à concéder ultérieurement ; 2o ceux qui l’ont été, mais qui n’ont rien fait encore et se maintiennent dans une attitude d’observation ; 3o enfin ceux qui sont en cours d’exécution plus ou moins facile ou qui ont été achevés dans les dernières années.

Pour la première division, le système étant trouvé, il n’y aurait point d’embarras ; car il s’appliquerait à elle sans réserve.

Avec les compagnies de la seconde catégorie, il y aurait lieu de