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être la dotation de l’agiotage, mais l’indemnité des actionnaires, s’ils étaient déçus dans leurs espérances que l’état est censé partager et qu’il stimule par le seul fait de son intervention. Or, si l’entreprise sourit aux actionnaires et s’ils ont à solliciter, des chefs de la concession, les titres dont ceux-ci disposent souverainement, il y aura hausse avant livraison ; le trésor, pour constituer une prime à un petit nombre d’hommes habiles, se sera exposé à la chance d’un découvert ; voilà le premier fait et la conséquence la plus claire de sa garantie.

Ceci nous mène à manifester encore une fois notre préférence pour un système de concession directe qu’on aurait fait précéder d’une souscription universellement ouverte à quiconque voudrait y prendre part. Ainsi la prime des actions, si elles en obtenaient une dès l’origine, par l’attrait de la solidarité de l’état, n’irait pas enrichir une douzaine de détenteurs primitifs des titres aux dépens de tous leurs associés, elle parviendrait entière jusqu’aux derniers membres de la communauté. Par là elle ne causerait pas le désordre qu’enfantent les primes sous le régime qui domine à présent ; et si l’on veut à toute force lui attribuer un effet, ce serait plutôt de faire surgir d’autres associations semblables. Rien de mieux, si ce résultat était obtenu. Croyez bien, du reste, qu’une telle faculté reproductive de l’esprit d’association tiendrait à la garantie même de l’état bien plus qu’aux primes qui en pourraient naître occasionnellement ; car elles n’iraient point très haut avant l’inventaire des produits réels ; il y a un art de cultiver les primes en serre chaude qui n’est pas à la portée de la multitude et dont les oligarchies de banquiers gardent le secret.

On ne nous révélera rien en nous opposant les difficultés et les mécomptes possibles d’une souscription de ce genre. La première difficulté, le nœud gordien, c’est la répartition du fonds social, de telle sorte que les souscriptions individuelles soient consultées, mais non pas obéies servilement ; car elles peuvent cacher des piéges de l’agiotage adroit à se coaliser avec des prête-noms, dans le but d’arracher aux répartiteurs les masses d’actions nécessaires à l’organisation d’un jeu de Bourse. Nous avons proposé dans notre article du 4 novembre une sauve-garde dont on peut faire l’essai contre cette conspiration assez vraisemblable des accapareurs de titres en vue d’une hausse factice. Personne ne nous a encore démontré qu’un syndicat de répartition, dont les deux chambres, l’administration, le conseil d’état, fourniraient le personnel, serait impuissant et inhabile à remplir cette tâche délicate sans reproches mérités, en déjouant toutes les manœuvres insidieuses. Chacun de ces corps devrait, au besoin, s’armer, lui seul, de ce courage.