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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

entre les mains d’un administrateur suprême qui en a fait son affaire propre et l’a conduite avec la rapidité d’une concession remise à une société commerciale. Cet administrateur, chose digne de remarque ! n’a guère eu d’autre occupation sérieuse qui ait pris son temps, ou fatigué sa pensée. M. Nothomb, ministre dans un petit état, a pu consacrer presque entièrement ses facultés, qui ne sont pas ordinaires, à l’accomplissement d’une œuvre spéciale ; aussi est-elle fort avancée. Veut-on prendre le même parti en France ? Y est-on préparé ? C’est douteux. Et cependant l’isolement du travail des chemins de fer, en France, serait plus indispensable que partout ailleurs, si l’administration publique en demeurait chargée.

D’abord, le réseau dont il s’agit pour la France est autrement vaste et compliqué que celui qui suffit aux Belges. Le corps des ponts et chaussées, tel qu’il est constitué en ce moment, a plus de travaux en perspective qu’il n’en pourra faire, sans sortir des améliorations qu’on médite avec raison pour les canaux, la navigation fluviale, les ports, les routes ordinaires, enfin pour tout ce qui est dans le cercle habituel de ses études et de sa pratique. Il faudrait augmenter le nombre des ingénieurs, et déjà on y a pensé ; mais on ne connaît pas l’avis de la chambre. Cet accroissement projeté dans le personnel, devrait, selon nous, amener une division nouvelle dans le corps des ponts-et-chaussées, la création d’une spécialité d’ingénieurs exclusivement préposés aux chemins de fer. Un démembrement corrélatif serait encore plus nécessaire dans le conseil-général[1] ; le conseil vient de prouver que sa composition actuelle ne lui permet pas de résoudre, avec l’approbation générale, des questions si neuves pour la plupart de ses membres, peu disposés d’ailleurs à prendre de nouvelles habitudes d’esprit. L’insuffisance de cette institution dans les circonstances présentes a été révélée par deux fautes dont elle ne se relèvera pas aisément ; on ne lui pardonnera ni la rigueur inutile des conditions imposées aux compagnies pour les pentes, les courbes, les ouvrages d’art, ni les inconcevables erreurs de ces devis qui ont dépassé la limite ordinaire de l’inexactitude.

Qu’on réforme tout cela et encore d’autres causes d’abus, pour arriver à la simplicité des rouages administratifs de nos voisins, l’on n’aura rien fait néanmoins, si l’on n’investit de la direction supérieure des chemins de fer un ministre qui soit sûr, comme M. Nothomb

  1. Nous ne pouvions, au moment où était écrit cet article, avoir connaissance de l’ordonnance du 23 décembre, qui n’a paru au Moniteur que le 27, et qui introduit dans le conseil général des ponts-et-chaussées une section spéciale pour les chemins de fer.