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nication s’y est trouvée possible, comme en Angleterre, sans que l’intervention de la force gouvernementale s’exerçât autrement que çà et là d’une manière indirecte et très incomplètement, il est hors de doute que la spéculation a dû y rencontrer, dans les circonstances locales et les nécessités inouïes d’une nation géante au berceau, une certaine nature d’encouragemens, inconnus des états civilisés de notre Europe.

En effet, les divers états de l’Union, disséminés comme ils le sont à d’énormes distances les uns des autres, n’auraient pu communiquer entre eux et échanger mutuellement leurs produits, leurs besoins, leurs lumières, sans recourir aux chemins de fer, partout où leurs fleuves et leurs lacs cessent de permettre une navigation facile. C’est en vain que cette terre vierge offrirait aux colons tant de productions variées avec une fécondité extraordinaire, si le superflu des richesses obtenues par le travail agricole n’avait pas une issue pour s’écouler vers une consommation certaine. Sans les débouchés, qu’on est obligé d’aller chercher au loin à travers une région si vaste, le cultivateur américain aurait, pendant long-temps temps encore, hésité à s’enfoncer dans les profondes solitudes de l’ouest. Il se serait maintenu dans le voisinage des états où la population s’est agglomérée anciennement ; enfin, il eût manqué à sa mission, qui est de reconnaître, de marquer du signe de la civilisation pour l’avenir, l’immense domaine que Dieu lui a assigné, ou bien il n’eût accompli qu’au bout de plusieurs siècles cette œuvre dont il est près aujourd’hui de voir la fin. Ouvrir des routes était la première condition à remplir ; aucune espèce de route n’existait dans le pays ; le colon a dû y établir tout d’abord celles qui appartiennent à un mode perfectionné. Et cependant, il les a faites économiquement, avec des rails grossiers, de fortes pentes, des courbes à petits rayons, toutes les fois que les difficultés du sol et un calcul d’intérêt bien entendu lui ont conseillé de se soumettre à ces imperfections. Même dans notre Europe où l’art est souverain, on n’y regarde pas de trop près quand il s’agit d’un rail-way pour le service d’une usine, d’une forge, ou d’une exploitation de houille. Les États-Unis ne sont dans leur ensemble qu’une exploitation plus variée sans doute, mais encore assez simple : c’est à ce point de vue qu’ils ont traité leurs voies en fer, qui n’ont de remarquable que la longueur nécessaire de leur parcours. Ainsi, on n’a pas de peine à s’expliquer que les épargnes individuelles les plus modestes s’associent pour l’installation de chemins de fer qui se présentent sous cette forme économique et avec