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chera désormais à la grande artère, celui de Brighton, celui de Douvres, je ne sais quel autre encore, participera, sans prolongement trop onéreux, à cet avantage d’une communication établie avec la mer du Nord et la Manche d’une part, la mer d’Irlande, le canal Saint-George, de l’autre. Pour se faire une idée juste de la situation privilégiée de l’Angleterre et des encouragemens qu’elle offre naturellement aux entrepreneurs des voies nouvelles, il faut voir, dans ces mers dont elle est partout environnée, son principal moyen de communication, sa grande route marchande, dont les rail-ways à l’intérieur ne sont que les embranchemens. Quelle excitation dès-lors pour les capitaux isolés qui n’ont plus qu’à compléter l’œuvre si largement commencée par la nature ! Chez nous, au contraire, l’art a tout à faire, et sa tâche est immense ; le tracé des Plateaux, dont nous venons d’indiquer le rapport d’étendue avec la communication de Londres à Liverpool, n’est encore que la première section, et la plus courte, d’un rail-way de jonction entre nos deux mers ; il resterait à le continuer de Paris à Marseille ; et à travers combien de difficultés et de dépenses, inabordables à une compagnie abandonnée à son seul crédit !

Ajoutez que l’Angleterre est, proportionnellement à son étendue, beaucoup plus peuplée que la France, et que les Anglais ont, dans toutes les classes, le goût inné de changer de place, un besoin réel de parcourir en tous sens l’intérieur de leur petit territoire pour leurs affaires si actives ; d’où il résulte que la proportion supérieure de leur population est doublée, ou triplée, à l’avantage des voies rapides, auxquelles se trouve ainsi assurée une prime considérable, qui manque à nos spéculateurs. Connaît-on, sur notre sol, un tracé qui, dans les prévisions les plus favorables, puisse donner l’espérance d’un revenu net de 9 pour 100, comme le chemin de Londres à Birmingham, s’il devait coûter, comme celui-ci, 2,500,000, ou même 3,000,000 fr. par lieue ?

Les beaux produits déjà obtenus sur ce grand travail si dispendieux et si hardi dans ses innovations, sont bien faits pour attirer les capitaux anglais dans des entreprises semblables, en même temps que nos capitalistes doivent craindre de s’exposer à des sacrifices presque aussi démesurés, sans espoir d’une égale compensation. Mais ce n’est pas tout ; les capitaux, chez nos voisins, sont plus abondans ; ils ont, pour se renouveler, mille sources au dedans et au dehors, dont nous avons à peine l’idée ; c’est ce qui fait leur hardiesse ; c’est ce qui les porte journellement à des expériences hasardeuses, dont s’alarmerait