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toriens de la France et des Gaules et celui des Ordonnances des rois, commencés, l’un en 1738, l’autre en 1723, se poursuivaient collatéralement[1]. Des recherches exécutées à la fois sur différens points de la France, et qui devaient s’étendre de plus en plus, rassemblaient dans un dépôt unique, le cabinet des chartes, tous les monumens de législation royale, seigneuriale ou municipale épars dans les archives publiques ou privées du royaume[2]. L’on n’avait pas encore vu un tel nombre de documens originaux publiés, ou mis, par leur réunion, à la portée des hommes studieux. Le temps paraissait donc venu pour qu’un regard plus pénétrant fût jeté sur les origines et les révolutions de la société française, pour que nos diverses traditions, rendues précises par la science, fussent rapprochées, conciliées et fixées, d’une manière invariable, dans une théorie qui serait la vérité même. Tout cela semblait infaillible, et pourtant il n’en arriva rien. Au contraire, il se fit, dans la manière d’envisager le fond et la suite de notre histoire, une déviation qui la jeta tout d’un coup aussi loin que possible de la seule route capable de conduire au vrai. Cette déviation, du reste, fut nécessaire ; elle tenait à des causes supérieures au mouvement de la science elle-même, à un mouvement universel de l’opinion qui devait agir sur tout et laisser partout son empreinte.

Déjà se préparait dans les idées l’immense changement qui éclata dans les institutions en 1789. L’instinct d’une rénovation sociale, d’un avenir inconnu qui s’avançait et auquel rien, dans le passé, ne pouvait répondre, lançait fortement les esprits hors de toutes les voies historiques. On sentait d’une manière vague, mais puissante, que l’histoire du pays, celle des droits ou des priviléges des diffé-

  1. Le premier de ces recueils, Rerum Gallicarum et Francicarum scriptores, forme aujourd’hui 19 volumes, qui ont eu pour éditeurs : 1o dom Bouquet, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur (8 volumes, publiés de 1738 à 1752) ; 2o dom Haudiguier, dom Poirier, dom Housseau et dom Précieux, de la même congrégation (3 volumes, de 1757 à 1767) ; 3o dom Clément et dom Brial (2 volumes, de 1781 à 1786) ; 4o après la création de l’Institut, dom Brial seul (5 volumes, de 1806 à 1822) ; 5o MM. Daunou et Naudet, qui ont publié le tome 19e d’après le manuscrit laissé par dom Brial. — Le Recueil des Ordonnances des rois forme pareillement 19 volumes, qui ont eu pour éditeurs : 1o M. de Laurière (1 volume, publié en 1723) ; 2o M. Secousse (7 volumes, de 1729 à 1750) ; 3o M. de Villevaut (1 volume, publié en 1755, d’après le manuscrit laissé par Secousse) ; 4o M. de Bréquigny, associé à M. de Villevaut, mais en réalité travaillant seul (5 volumes, de 1763 à 1790) ; 5o après la création de l’Institut, M. de Pastolet (5 volumes, de 1811 à 1835).
  2. Ce dépôt fut créé, en 1762, par M. Bertin, ministre de la maison du roi. Des arrêts du conseil (8 octobre 1763 et 18 janvier 1764) réglèrent l’ordre du travail et pourvurent aux dépenses qu’il exigeait. Voy. la notice de M. Champollion-Figeac Sur le Cabinet des Chartes et Diplômes de l’histoire de France, 1827.