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offrait. Que les doctrinaires tiennent ce langage, à la bonne heure ; mais le centre gauche oublie à la fois ses souvenirs, ses devoirs de reconnaissance et ses meilleurs intérêts, en parlant ainsi. Que dire au Constitutionnel, par exemple, qui s’écrie que « l’homme qui est monté le premier sur la brèche pour attaquer la loi de disjonction, ne peut, ne doit pas soutenir un cabinet qui a proclamé la loi de disjonction le meilleur moyen de gouvernement ? » Mais voulez-vous que M. Dupin vienne au milieu de vous, qui marchez sous les ordres et sous la direction du parti doctrinaire, lequel revendiquait tout récemment, par l’organe de M. Guizot, dans une Revue, la responsabilité et l’honneur de la loi de disjonction, qu’il disait son œuvre, et dont il défendait le mérite ? À qui s’adressent donc les récriminations du Constitutionnel ? Au ministère, à M. Dupin, ou bien au parti doctrinaire, et particulièrement à M. Guizot ?

La coalition aura beau attaquer M. Dupin, elle n’en fera pas un ministériel. M. Dupin a pris une place à part dans le monde politique, et il n’est au pouvoir de personne, pas plus des ministres que de l’opposition, de la lui ravir. De tous les hommes éminens qui ont marqué depuis la révolution de juillet, M. Dupin est le seul qui ait constamment écarté de lui la pensée de se faire ministre. Les doctrinaires l’accusent d’être un courtisan. C’est un courtisan qui a résisté, en vingt occasions, aux instances presque irrésistibles qui lui étaient faites d’en haut, pour le faire accepter un portefeuille ! Quelques-uns de ceux qui l’attaquent le plus vivement aujourd’hui savent ces circonstances mieux que personne, et ils n’ignorent pas que toutes les combinaisons où ils avaient fait entrer M. Dupin ont dû échouer par son refus. Retiré, on peut le dire, dans la présidence de la chambre, M. Dupin a été de la chambre d’abord, il s’est montré le défenseur le plus vigilant de ses droits, le gardien, l’observateur fidèle de son règlement. En même temps, M. Dupin a été l’avocat de l’ordre social, le soutien des principes modérés qu’il a toujours professés et qu’il a défendus tour à tour, souvent dans la même séance, contre l’opposition et contre certains ministres qui s’en écartaient. Les doctrinaires ont trouvé M. Dupin pour eux, quand la paix publique était en péril et quand ils la défendaient contre les factions ; le centre gauche l’a compté dans ses rangs ; il y figure encore, tout en déplorant l’alliance de quelques-uns de ses membres avec l’extrême gauche, et la vivacité de son humeur ne l’a jappais écarté de cette ligne. Les jours où M. Dupin sera ministériel, on pourra être sûr que le ministère défend la cause de l’ordre et les principes de la liberté ; sans quoi M. Dupin s’élancerait bientôt à la tribune pour soutenir l’opposition, et cela sans lui demander de la reconnaissance. Les partis, comme le ministère, devraient s’estimer heureux de voir un homme tel que M. Dupin occuper le fauteuil de la présidence. Les hommes qui bornent leur ambition sont trop rares pour qu’il soit permis de leur refuser justice. M. Dupin ne doit pas l’attendre de ceux qui ne laissent à leurs collègues d’autre alternative que d’être leurs créatures ou leurs ad-