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trées de l’Europe où l’enseignement est un service public ; mais il est moins facile d’y obvier en Angleterre, où les établissemens scientifiques se maintiennent par des dotations primitives ou des souscriptions volontaires dans une indépendance absolue vis-à-vis de l’état. Aussi cette question, parfaitement simple pour nous, n’est-elle pas encore vidée. Cependant la convenance d’admettre les dissidens aux avantages attachés à l’instruction universitaire n’est plus niée au sein du parti conservateur, et les hommes principaux de ses deux nuances, sir Robert Peel comme lord Stanley, confessent la nécessité de supprimer dorénavant la signature du formulaire religieux. Si les résistances de la pairie ont retardé sur cette question un succès d’ailleurs assuré, les dissidens ont fait chaque année, sur l’établissement anglican, des conquêtes bien plus funestes à la prépondérance de celui-ci.

L’église a perdu l’état civil ; elle a cessé de recevoir dans les circonstances principales de l’existence humaine ce solennel hommage qui en faisait, pour ses adversaires aussi bien que pour ses sectateurs, le sacerdoce de la société et comme l’ame même de l’état.

Jusqu’en 1836, l’Angleterre n’avait pas de registre pour les naissances, mariages et décès : ceux-ci n’étaient constatés que par la mention de la cérémonie religieuse célébrée par les ministres de l’église établie ; dès-lors les catholiques et les dissidens, c’est-à-dire près des deux tiers de la population totale du Royaume-Uni, se trouvaient sans aucun moyen d’établir légalement leur état. Un bill sanctionné par les deux chambres, non sans de vives discussions, a enlevé à l’église épiscopale ce qui pouvait être considéré comme sa plus haute prérogative. Les mariages sont désormais validement contractés aux yeux de la loi, lorsqu’ils sont célébrés par des ministres de toute religion et de toute secte. Des fonctionnaires civils sont établis pour recevoir les actes de mariage, naissance et décès, dans des formes, et sous des pénalités analogues à celles imposées par la loi française, et cette administration des pauvres, à laquelle nous avons reconnu tant d’avenir, est devenue le centre de toute l’organisation civile du royaume. Des enregistrateurs locaux sont nommés par elle, un surintendant est créé dans chaque union ou district, lequel doit adresser directement ses registres au bureau central à Londres. Ainsi l’Angleterre nous dépasse dans ces voies où elle a si long-temps refusé de nous suivre ; et pendant que nous plaçons l’état civil de nos communes sous la garde des greffiers de première in-