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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

treux qu’en Angleterre, c’est que dans la plupart d’entre elles ces effets sont contrebalancés par des causes morales ou des institutions particulières. On pourrait en apporter en exemple celle du pium corpus en Wurtemberg, antique dotation formée des biens du clergé catholique auxquels ce gouvernement, en embrassant la réforme, a conservé leur destination primitive. L’Allemagne et les états du Nord n’ont pas, d’ailleurs, à nourrir une immense population ouvrière ; ils ne connaissent pas, dans le cours de leur existence paisible et réglée, ces alternatives soudaines qui réduisent des populations florissantes aux dernières angoisses du besoin et du désespoir ; ils sont placés de manière à pouvoir résister à leurs lois, tandis qu’il devenait de plus en plus manifeste que l’Angleterre périrait par les siennes.

Jamais d’ailleurs mauvaises lois ne furent rendues plus détestables par une inepte application ; et c’est ici surtout que l’on touche au doigt les conséquences de cet uncontrolled self-government, exposé, dans le cours de longues enquêtes, au feu croisé de toutes les attaques[1].

Le statut de la quarante-troisième année d’Élisabeth a servi de point de départ à toute la législation anglaise sur cette importante matière. Il dispose en résumé que des inspecteurs (overseers) choisis par les juges de paix devront se charger de faire travailler toutes les personnes valides et sans moyen de subsistance. Il rend le travail obligatoire pour celles-ci sous peine de prison, prescrit la construction d’hospices où habiteront en commun les personnes hors d’état de travailler, et il établit un impôt modique spécialement consacré à couvrir ces dépenses.

Quoique contenant un principe dangereux, ces dispositions étaient simples, mais elles furent bientôt démesurément étendues en même temps que détournées de leur sens formel par l’imprévoyance des administrations locales et souvent à raison de la terreur inspirée par les menaces des pauvres. Si le principal but du statut d’Élisabeth avait été d’imposer des habitudes laborieuses aux hommes valides, l’effet de la loi, telle qu’elle se trouvait appliquée jusqu’en 1834, fut de donner une prime à la paresse, en rendant la condition du pauvre

  1. Aucun document ne projette plus de lumière sur la situation intérieure de l’Angleterre et les destinées qui se préparent pour elle, que les enquêtes faites par les poor laws commissionners, d’abord en 1833, sur l’ancien état des choses, puis en 1837, sur l’effet des lois nouvelles. La substance de ces documens a été publiée en 8 vol. in-8o. On consultera surtout avec fruit, sur cette grave mesure et les questions d’économie politique qu’elle soulève, les importans travaux de M. Nassau W. Senior, l’un des esprits les plus distingués de la Grande Bretagne.