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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

ble de siéger aux communes. Si l’on remontait à l’origine d’une telle obligation, on trouverait, ce semble, qu’elle touche au principe du droit féodal, selon lequel le service public était la condition et comme le paiement du privilége : ainsi des maximes de toutes les civilisations et de tous les âges se confondent dans les législations modernes, comme des terrains de toutes les formations dans le sol que nous foulons aux pieds.

Le bill de 1835 fut accueilli, par l’opinion libérale en Angleterre, comme une arme puissante. Les résultats de cette réforme se firent bien moins attendre que ceux de la réforme politique ; et les premières élections municipales, opérées conformément à ses prescriptions, assurèrent presque partout à l’opinion whig et radicale une éclatante victoire : succès d’autant plus précieux pour le ministère Melbourne, que la dissolution récemment faite par sir Robert Peel venait de renforcer de plus de cent membres l’opposition tory de la chambre des communes.

Tout se tient dans l’ensemble des institutions politiques, et la brèche ouverte alors ne tardera pas à s’élargir. Des innovations tout aussi importantes, d’ailleurs, avaient précédé l’adoption de l’acte municipal, et venaient d’introduire dans l’administration de l’Angleterre un élément nouveau dont peu d’esprits mesurèrent d’abord la haute portée.

On sait ce qu’était le paupérisme pour ce pays, et de quel danger le menaçait cette plaie de jour en jour plus profonde. Ce que l’Europe sait moins généralement, c’est que le système des poor-laws a été radicalement réformé en 1834, et que par suite de mesures habilement concertées, une taxe qui, pour la seule Angleterre[1], ne s’élevait guère moins haut que le principal de la contribution foncière de la France, a diminué depuis 1834 dans une proportion qui dépasse toutes les espérances. Ce dégrèvement, qui rend à la Grande Bretagne des ressources si déplorablement employées jusqu’ici, ses effets sur la morale en même temps que sur la fortune publique, exigeraient seuls de notre part la plus sérieuse attention. Mais cette attention ne nous est-elle pas encore plus impérieusement commandée lorsque nous voyons, dans cette décisive circonstance, l’Angleterre répudier toutes ses traditions administratives pour demander son salut au principe naguère le plus vivement repoussé par elle, et fonder une

  1. La législation écossaise reposait sur des bases différentes, et l’Irlande n’avait pas jusqu’à présent de loi des pauvres.