Quels faux plaisirs t’ont flatté !
Les jeux impurs d’Amathonte
Ne sont pas la Volupté.
Cette nymphe demi-nue
En secret reçut le jour
De la Pudeur ingénue
Qu’un soir atteignit l’Amour…
Ce n’est point une Ménade
Qui va, l’œil étincelant,
Des Faunes en embuscade
Braver l’essaim pétulant.
C’est la Vierge aimable et pure
Qui, loin du jour ennemi,
Laisse échapper sa ceinture
Et ne cède qu’à demi.
Si quelquefois on l’offense,
On la calme sans effort
Et sa facile indulgence
Fait toujours grace au remord…
Tu sais qu’un jour l’Immortelle
Qu’Amour même seconda
Vers son époux infidèle
Descendit au mont Ida.
Jupiter la voit à peine
Que les désirs renaissans,
Comme une flamme soudaine,
Ont couru dans tous ses sens :
« Non, dit-il, jamais Europe,
Io, Léda, Sémélé,
Cérès, Latone, Antiope,
D’un tel feu ne m’ont brûlé !
« Viens… » Il se tait, elle hésite,
Il la presse avec ardeur :
Au Dieu qui la sollicite
Elle oppose la pudeur.
Un nuage l’environne
Et la cache à tous les yeux :
De fleurs l’Ida se couronne,
Junon cède au roi des Dieux !
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