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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

qui que ce soit devant le juge ecclésiastique ordinaire ou délégué, si ce n’est pour hérésie, mariage ou usure, sous peine de perte de tous ses biens et de mutilation d’un membre[1]. En outre, nous députons certaines personnes chargées de l’exécution de cette ordonnance, afin que notre juridiction, près de périr, se relève, et que ceux qui, jusqu’à ce jour, sont devenus riches de notre appauvrissement, soient ramenés à l’état de la primitive église, et que, vivant dans la contemplation, pendant que nous, comme il convient, nous mènerons la vie active, ils nous fassent voir les miracles qui, depuis long-temps, se sont retirés du siècle[2]. »

Outre la maxime du droit de justice inhérent au domaine féodal, une autre maxime qui se perpétuait parmi la noblesse, était celle de la royauté primitivement élective et du droit de consentement des pairs et des grands du royaume, à chaque nouvelle succession. C’est ce qu’exprimaient, au XIIe et au XIIIe siècle, les formules du sacre, par le cri : nous le voulons, nous l’approuvons, que cela soit[3] ! et, quand ces formules eurent disparu, l’esprit en demeura empreint dans les idées et les mœurs des gentilshommes. Tout en professant pour le roi un dévouement sans bornes, ils se plaisaient à rappeler en principe le vieux droit d’élection et la souveraineté nationale. Dans le discours de l’un d’eux aux états-généraux de 1484, on trouve les paroles suivantes : « Comme l’histoire le raconte et comme je l’ai appris de mes pères, le peuple, au commencement, créa des rois par son suffrage[4]. » Aux mêmes souvenirs, transmis de la même manière, se rattachait encore le principe fondamental de l’obligation, pour le roi, de ne rien décider d’important sans l’avis de ses barons, sans le concours d’une assemblée délibérante, et cet autre principe, que l’homme franc n’est justiciable que de ses pairs, et ne

  1. Nos omnes regni majores attento animo percipientes, quod regnum non per jus scriptum, nec per clericorum arrogantiam, sed per sudores bellicos fuerit adquisitum ; præsenti decreto omnium juramento statuimus et sancimus… (Ibid.)
  2. Ut sic jurisdictio nostra ressuscitata respiret, et ipsi hactenùs ex nostrâ depauperatione ditati… Reducantur ad statum ecclesiæ primitivæ et in contemplatione viventes, nobis sicut decet activam vitam ducentibus ostendant miracula, quæ dudùm a seculo recessernnt. (Ibid.)
  3. Post milites et populi tam majores quam minores uno ore consentientes, laudaverunt ter proclamantes : Laudamus, volumus, fiat. (Coronatio Philippi primi, apud rerum Gallic. et Franc. scriptores, tom. XI, pag. 33.) — Ipse autem episcopus affatur populum si tali principi ac rectori se subjicere… velint, tunc ergo à circumstante clero et populo unanimiter dicatur. Fiat, fiat, amen. (Don Martene, Amplissima collectio, tom. II, col. 611, 612.)
  4. Historiæ praedicant, et id à majoribus meis accepi, initio, domini rerum populi suffragio, reges fuisse creatos. (Discours de Philippe Pot, seigneur de La Roche, grand-sénéchal de Bourgogne, Journal des États-Généraux, par Masselin, pag. 146.)