Vers ces globes lointains qu’observa Cassini,
Mortel, prends ton essor ; monte par la pensée,
Et cherche où du grand tout la borne fut placée.
Laisse après toi Saturne, approche d’Uranus ;
Tu l’as quitté, poursuis : des astres inconnus
À l’aurore, au couchant, partout sèment ta route ;
Qu’à ces immensités l’immensité s’ajoute.
Vois-tu ces feux lointains ? Ose y voler encor :
Peut-être ici, fermant ce vaste compas d’or
Qui mesurait des cieux les campagnes profondes,
L’éternel Géomètre a terminé les mondes.
Atteins-les : vaine erreur ! Fais un pas ; à l’instant
Un nouveau lieu succède, et l’univers s’étend.
Tu t’avances toujours, toujours il t’environne.
Quoi ? semblable au mortel que sa force abandonne,
Dieu, qui ne cesse point d’agir et d’enfanter,
Eût dit : « Voici la borne où je dois m’arrêter ! »
Tandis que je me perds en ces rêves profonds,
Peut-être un habitant de Vénus, de Mercure,
De ce globe voisin qui blanchit l’ombre obscure,
Se livre à des transports aussi doux que les miens.
Ah ! si nous rapprochions nos hardis entretiens !
Cherche-t-il quelquefois ce globe de la terre,
Qui, dans l’espace immense, en un point se resserre ?
A-t-il pu soupçonner qu’en ce séjour de pleurs
Rampe un être immortel qu’ont flétri les douleurs ?