Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/575

Cette page a été validée par deux contributeurs.
571
REVUE. — CHRONIQUE.

mais elles se satisfont par de petites usurpations de pouvoir sur les ministres qu’il croit avoir faits, ou qu’il croit protéger, sur l’autorité de ses amis quand ils gouvernent. Sa vie politique est une sorte de bourdonnement ; et ce qu’il lui faut, et ce qui lui manque à cette heure, c’est d’être assis près d’un ministre, de le conseiller, de l’exciter, de se faire officieusement son chef de division, son chef de cabinet, son courrier de dépêches, et jusqu’à son huissier ; de se croire d’autant plus important, d’autant plus influent, d’autant plus indispensable qu’il paraît moins, que son incognito ministériel est plus grand. En un mot, M. Duvergier de Hauranne, qui n’a jamais eu le courage de solliciter une responsabilité quelconque, est justement celui qui use le plus largement de la responsabilité de ses amis, même quand ils ne sont pas au pouvoir ; car il compromet alors, comme il le fait aujourd’hui, leur avenir ministériel, en attendant qu’il entre aux affaires sous leur manteau, pour y jouer le rôle triste et fatigant qu’il prête, dans son écrit, avec une irrévérence gratuite, à la royauté !

La royauté n’est heureusement pas de cette nature. Elle est ce qu’elle doit être, haute, majestueuse et digne. Elle n’a pas besoin de pénétrer furtivement là ou se font les affaires, au sein même de l’administration. Ce bourdonnement, cette ardeur sans frein, de mettre les mains à tout, ne sont pas du fait d’un souverain ; et vous avez beau le faire à votre image, cette profanation ne servira pas vos passions politiques, et n’abusera pas les hommes de bonne foi, qui savent, comme nous, qu’aujourd’hui, en France, la royauté n’est pas d’un parti, au mortel regret de ceux qui voudraient la mettre, de gré ou de force, dans le parti doctrinaire.

M. Duvergier de Hauranne déplore que la royauté soit privée du concours des hommes les plus éminens, et dit qu’ainsi les affaires sont moins bien faites, système qui a l’inconvénient d’exalter les ambitions de second ordre et de devenir une déplorable excitation à la suffisance et à la présomption, qui veulent arriver à tout. Mais, en fait de capacités, M. Duvergier de Hauranne en voit-il d’autres que la sienne et celle de ses amis ? L’organe de son parti ne proclame-t-il pas chaque jour les doctrinaires comme les seuls dépositaires des idées d’ordre et de conservation ? Ne disait-il pas, il y a peu de jours, que la seule opposition qui fasse ombrage au cabinet est celle des hommes de pouvoir et de gouvernement, celle du parti doctrinaire, qui ne veut ni de la réforme, ni de l’intervention, ni de tout ce que veut l’opposition, avec laquelle les doctrinaires marchent cependant ? Ainsi, au dire des doctrinaires, leurs capacités sont les seules qui pourraient entrer aux affaires aujourd’hui. Quant aux capacités de second ordre dont il faut éteindre l’excitation, ne seraient-ce pas celles de l’opposition dont il est question ? car l’opinion des doctrinaires sur les talens de l’opposition n’est pas un mystère. On les a vus dédaigner assez haut M. Odilon Barrot, rire assez fort des prétentions diplomatiques de M. Mauguin et de ses ardeurs de guerre, se moquer agréablement de la politique de la gauche et de ses plans de gouvernement. Ainsi, les capacités que veut ramener au pouvoir M. Duvergier, ne seront pas difficiles à trouver : ce sont les doctrinaires. Le cercle n’est pas