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exécutif et le gouvernement sont incapables de remplir leurs devoirs, et le trahissent ouvertement, et enfin que les défenseurs de l’ordre sont sans morale et sans conscience. Nous dégageons de ce bref résumé de l’écrit de M. Duvergier toutes les allégations audacieuses, mensongères, nous voudrions pouvoir dire erronées, qui en font la diatribe la plus répréhensible que se soit jamais permise cet écrivain, qui se dit membre d’un parti conservateur ; nous nous bornerons à le suivre avec calme dans ses raisonnemens.

D’abord, d’où viennent tant d’accusations capitales qui ne craignent pas de monter jusqu’au trône ? par qui sont elles faites ? Par des gens qui ont donné l’exemple de tout ce qu’ils reprochent aujourd’hui ; par un parti qui, s’il accepte M. Duvergier pour son représentant, a poussé plus loin que personne les doctrines qu’il condamne ; par les hommes qui, en 1830, ont voulu partir de la restauration et non de juillet, et qui s’épuisaient alors en subtilités pour enter une dynastie sur l’autre. La sincérité n’est-elle pas la première base d’une discussion ? Comment donc croire à la sincérité de ces reproches ? Nous voudrions bien ne pas dire à M. Duvergier de Hauranne que son écrit nous semble, comme tous ceux qui émanent depuis quelque temps de son parti, moins une discussion politique qu’une pétition présentée au bout d’une baïonnette ; que n’ayant pu réussir, dans la dernière session, à ameuter la chambre, et doutant encore de son succès dans la session prochaine, le parti doctrinaire veut montrer aujourd’hui jusqu’où il peut aller si l’on continue à se passer de lui. Nous voudrions bien ne pas dire que nous avons trouvé dans l’écrit de l’honorable député de la colère et non de la logique, le goût du pouvoir et non le goût de la liberté et de l’ordre. Cette sorte d’argumens ne nous semble pas digne d’une polémique élevée ; mais comment les repousser quand on trouve à chaque ligne la démonstration dont on voudrait nier soi-même l’évidence. Il y a quelques années, en effet, quand le parti doctrinaire trouvait le pouvoir royal trop désarmé, quand il sommait la chambre, avec une brutalité dont on peut citer les termes, de donner toute extension à ce pouvoir, des circonstances graves étaient là pour motiver ces principes et ces sentimens. Nous ne voudrions pas, pour cela, opposer le parti doctrinaire à lui-même, et lui dire que ce pouvoir, qu’il attaque si ardemment aujourd’hui, il ne le trouvait jamais assez fort et assez puissant quand il était dépositaire de cette force et de cette puissance. Les doctrinaires pourraient répondre qu’ils étaient ministres, qu’ils réclamaient pour eux mêmes la force et le pouvoir, sans laisser la royauté pénétrer, comme le dit M. Duvergier de Hauranne, « là où se font les affaires, au sein même de l’administration. » Les accusations n’ont cependant pas manqué aux doctrinaires à l’époque dont nous parlons ; les journaux de l’opposition ne leur ménageaient pas les noms de complaisans, de ministres serviles, de courtisans, qu’ils prodiguent aujourd’hui à d’autres ; et nous n’avons pas vu qu’ils aient alors essayé de se justifier de ces attaques, soit dans les journaux dont ils disposaient, soit à la tribune de la chambre, qui leur était ouverte au double titre de députés et de ministres du roi.