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tous, et que faudrait-il penser de nous, si nous n’osions pas les écrire après les avoir conçues ?

Au milieu de la décomposition des partis, de la confusion singulière de toutes les pensées et de toutes les prétentions, c’est plus que jamais un devoir pour chaque homme de se croire lui-même, de puiser sa force dans son propre centre, et de suivre sa propre inspiration, comme le seul flambeau qui ne puisse pas s’éteindre. Quel parti oserait aujourd’hui prétendre qu’il offre des vérités évidentes pour l’esprit, des règles sûres pour la conduite ? Est-ce l’opposition, qui, depuis deux ans, se divise par des nuances infinies, par des tendances incompatibles, et que, ces jours derniers, un écrivain démocrate caractérisait ainsi : « Il y a des opposans, il n’y a pas d’opposition. Toute opposition qui n’est pas systématique n’a pas de caractère, de principe, d’influence, de but, ni même de nom. Elle ne fait pas les affaires de la France, elle ne fait pas même les siennes. C’est un amalgame de bariolures rouges, bleues, jaunes, blanches, vertes, avec leurs teintes plus ou moins foncées. Le merveilleux tableau que cela fait[1] ! » Que pourrions-nous dire de plus fort ? Mais si ce tableau est merveilleux, ne peut-il aussi servir d’enseignement et de leçon à ceux qui le contemplent ? Faut-il voir sans juger, regarder sans conclure ? Puisqu’au rapport des témoins les moins suspects les choses sont ainsi, n’y a-t-il aucune conséquence à tirer ni pour le présent, ni pour l’avenir ? Quelques hommes se font de la politique une singulière idée : elle n’est pas pour eux le miroir de la vie, la mise en pratique des dispositions et des volontés sociales ; non, c’est une routine qui ne doit jamais changer, et, en quelque sorte, une pétrification réciproque de toutes les forces qui sont en présence les unes des autres. Ils ne comprennent pas qu’il y a des momens où le gouvernement gagne du terrain sur les opposans disséminés et affaiblis, comme il y en a d’autres où il peut grossir les rangs de l’opposition, s’il ne satisfait pas les vœux du pays. Nous savons qu’il est quelques personnes pour lesquelles le beau idéal de la politique serait de voir d’un côté toujours le même ministre, et de l’autre toujours le même tribun ; elles se sont arrangées pour assister constamment à la même pièce, et quand le spectacle change, elles sont tout-à-fait déroutées. Mais ni la politique, ni la vie, ne s’immobilisent ainsi, au gré de quelques convenances personnelles, et il faut être étrangement préoccupé pour ne pas reconnaître que le gouvernement représentatif ne

  1. Études sur les orateurs parlementaires, par Timon, nouvelle édition.