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des hommes jeunes de s’inféoder à des pratiques surannées ou à de vieilles rancunes ? On n’est pas stationnaire et routinier à trente ans, et les esprits qui sentent leur force ont besoin, quand des questions sont épuisées, de passer à d’autres.

En politique, il y a des momens où il faut étudier a novo toute la scène, recommencer l’observation de tous les faits ; car la scène a changé, car les faits se sont revêtus d’une autre physionomie et ont pris une autre assiette. Cette nouvelle étude vous retrempe et vous modifie ; elle vous préserve des erreurs ; grace à elle, vous faites tomber sur les choses et sur les hommes une appréciation saine, vous ne parlez pas à côté, vous n’agissez pas à faux ; si vos principes dirigeans ont été justes, vous ne les abdiquez pas, mais vous les élargissez ; vos formules deviennent plus compréhensives et plus vraies, et vous les redressez comme les savans, dans les sciences physiques, réforment leurs nomenclatures après de nouvelles découvertes. On change donc, on change, non pas de but, mais de moyens ; non pas de religion sociale et scientifique, mais de manière de la servir. Nous rougissons d’insister sur ces choses auprès des esprits politiques. Le cardinal de Retz n’a-t-il pas dit, il y a deux siècles, qu’il fallait souvent changer d’opinion, pour être toujours du même parti ? Les opinions, en effet, ne sont que des points de vue que la mobilité de la scène humaine vous force de temps à autre de quitter. Vous changez de situation pour mieux voir ; or, plus vous embrassez de choses, plus vous pouvez être utile aux autres par vos enseignemens et vos travaux. Si donc on entend par conversion politique le passage d’un point de vue à un autre, la transition du point de vue opposant au point de vue gouvernemental, nous ne chercherons nullement à nous défendre du fait de conversion politique ; nous soutiendrons même que ce changement est normal, conforme aux lois d’un esprit bien fait, car les intelligences qui travaillent ont toujours pour les idées d’ordre et de pouvoir des sympathies naturelles et des retours inévitables.

Mais si l’on veut entendre par conversion politique l’abandon des principes dirigeans qui vous animent et vous mènent dans la science et dans la vie, si l’on prononce le mot d’apostasie, nous dirons qu’en désirant être méchant, on ne parvient qu’à être ridicule. Pour qu’il y ait apostasie, il faut qu’il y ait une religion. Or quelle est donc la religion de l’opposition ? Quel est le dogme, le symbole qu’elle présente à la société comme la vérité suprême et que nous ayons apostasiée. Nous serions curieux de connaître la révélation politique dont