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DU VANDALISME.

cette vente se présente aux spéculateurs sous l’aspect et dans les circonstances les plus favorables. »

Tous ces avantages ont été si bien saisis, qu’aujourd’hui il ne reste pas pierre sur pierre de l’édifice. Seulement on peut en examiner les plans chez un menuisier de la ville, et vraiment c’est une visite qui vaut la peine d’être faite, pour voir jusqu’où la fureur de détruire peut aller, en pleine paix et sous un gouvernement régulier.

Depuis la révolution de 1830, le nouveau gouvernement s’est occupé avec quelque sollicitude de la conservation des monumens. La loi communale, tout en accordant aux municipalités des attributions plus larges qu’en aucun autre pays du monde, leur défend de procéder, sans l’approbations du roi, « à la démolition des monumens de l’antiquité et aux réparations à y faire, lorsque ces réparations sont de nature à changer le style ou le caractère des monumens. » Voilà de belles et sages paroles, dont l’absence se fait regretter dans notre loi municipale française ! Pour que l’approbation du roi ne soit jamais surprise, il a été institué une commission royale des monumens, présidée par le comte Amédée de Beauffort, et qui a déjà rendu de grands services. Il faut espérer que, grace à ces précautions, on ne verra plus ce qui s’est passé il y a quelques années à Chimay, lorsque la pierre sépulcrale de l’historien Froissart (chanoine de la collégiale de Chimay) fut enlevée et brisée pour faire une entrée particulière dans la chapelle des fonts ! On est déjà parvenu à sauver, entre autres débris curieux, la vieille porte de Hal, à Bruxelles, qui renferme encore de très belles salles, et que l’on s’acharnait à remplacer par deux de ces barraques à porche et à fronton obtus qui ornent toutes les autres entrées de la capitale. On a même été assez heureux pour rendre à Sainte-Gudule une portion notable de son ancienne beauté, en détruisant le maître-autel qui obstruait son chevet. M. Rogier, ancien ministre de l’intérieur, et actuellement gouverneur de la province d’Anvers, avait conçu et proposé la magnifique idée de faire terminer la flèche de la cathédrale de Malines, par une souscription populaire, afin de placer sous cette consécration religieuse et nationale le souvenir de la révolution de 1830, et le point central du système des chemins de fer qui doit changer industriellement la face de la Belgique. Malheureusement on a cru s’apercevoir que les fondemens de la tour ne supporteraient pas une augmentation de poids aussi considérable. La ville de Malines mériterait, du reste, assez peu cet honneur, car sa régence est occupée en ce moment à postuler avec acharnement la destruction de la belle porte à tourelles qui conduit à Bruxelles ; et lorsqu’on leur reproche cette barbarie, ils répondent : « Oh ! nous en avons détruit une, il y a quelques années, celle de Louvain, qui était bien plus belle encore ! » Et ils disent vrai, pour leur plus grande honte. Mais si le gouvernement a quelque prise sur les administrations provinciales et municipales, il n’en a point sur les particuliers ni sur le clergé. La vente des vitraux et des chaires, de tous les fragmens mobiliers d’art chrétien, à des Anglais ou à des brocanteurs de Paris, est organisée sur une très grande échelle ; il n’a fallu