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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

fidèle à ses amis et à lui-même ; toute son existence politique s’était résumée dans trois grandes thèses : la paix avec la France, l’émancipation catholique et la réforme parlementaire.

De ces questions, l’une avait été résolue par le temps ; ses adversaires politiques avaient fait triompher l’autre ; la troisième lui restait, pensée de sa longue vie, honneur de ses cheveux blancs. Chef d’un parti fortement constitué, et n’ayant pas besoin de devenir ministre pour être quelque chose, homme de poids hors des affaires comme au pouvoir, son nom avait une portée comprise de tous ; le ministère Grey, c’était pour la couronne comme pour le pays le ministère de la réforme. Ainsi cette grande question allait être reprise au point où Fox l’avait laissée.

Lorsqu’on étudiait en lui-même, abstraction faite de ses résultats, le système électoral de la Grande-Bretagne, il ne pouvait, à coup sûr, supporter un instant l’examen.

On a vu, dans la première partie de ce travail, le pouvoir royal conférant la franchise aux diverses localités, à mesure que leur importance s’étend, et qu’il éprouve, pour son propre compte, le besoin de consolider son influence au sein des communes. On sait comment l’inquiétude du parlement, sur l’usage qui pourrait être fait de cette faculté dans un but anti-protestant et anti-national, le fit supprimer tout à coup[1] ; suppression qui pouvait parfaitement se défendre si l’on s’était borné à substituer l’autorité constitutionnelle des trois pouvoirs à l’omnipotence d’un seul, mais qui devenait insoutenable dans le sens où elle fut entendue : décider qu’aucune autre franchise ne serait accordée dans l’avenir, c’était monopoliser la liberté, réputer non avenu tout progrès nouveau.

La dynastie de Hanovre n’osa pas réclamer un droit dénié à celle des Stuarts ; et l’aristocratie, ayant définitivement conquis la souveraineté politique en dominant la chambre basse, trouva bon de poser en maxime que rien ne pouvait désormais être innové dans le mode de représentation nationale.

L’absurdité d’une telle immobilisation devenait plus choquante

  1. Le dernier essai tenté par la couronne pour ajouter à la représentation des communes, eut lieu en 1672, pour le bourg de Newark, auquel Charles II conféra le droit d’envoyer deux députés au parlement, en récompense du dévouement que ses habitans avaient témoigné pour son père. La légalité de cette élection fut long-temps débattue, et enfin, à une seconde division, une majorité d’une seule voix décida que les membres nommés ne prendraient pas séance. Ainsi cessa tout à coup, et sans qu’on se rendit compte des graves conséquences de ce fait pour la liberté des générations à venir, l’exercice d’une prérogative qui remontait à l’origine de la monarchie.