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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

devenu le mot d’ordre d’une association nouvelle, un nouveau brandon aux mains de l’agitateur.

En Angleterre, la situation ne se présentait pas sous un jour moins sombre. L’agriculture et l’industrie traversaient une crise attribuée par les uns aux restrictions mises à la circulation du papier-monnaie, par les autres à la mauvaise assiette des taxes, mais qui, quelles qu’en fussent les causes, déterminait de toutes parts et la cessation du travail, et l’agitation qui la suit. La taxe des pauvres, en s’étendant, menaçait de faire disparaître la propriété elle-même. Pendant que dans certaines paroisses elle s’élevait à 30 et 40 shellings par acre, dans les villes manufacturières, les salaires tombaient à moitié de leur taux habituel.

Sous ces influences sinistres se fonda l’Union politique, dont Birmingham devint le centre au commencement de 1830, association qui compta sous son drapeau des armées tout entières, et qui offrait aux pauvres comme remède à leur misère, aux ouvriers comme moyen de contrebalancer l’action des machines au dedans et l’effet des concurrences au dehors, la réforme électorale avec accompagnement de suffrage universel et de parlemens annuels. Le jour d’une jacquerie industrielle semblait près de se lever pour l’Angleterre. La crainte de l’avenir resserrait les capitaux ; le commerce exportait à perte ; les fermages s’acquittaient mal, et les droits d’accise étaient d’une rentrée de plus en plus incertaine. Aussi, en présentant son projet de budget, en mars 1830, le chancelier de l’échiquier (M. Goulburn) confessait-il un déficit considérable sur les prévisions de l’exercice précédent.

Prédisposée par tant de circonstances, tout imprégnée déjà du fluide révolutionnaire, l’Angleterre reçut soudain le contre-coup de juillet, et cette commotion la mit debout comme un seul homme.

Si cet évènement remua l’Europe de Lisbonne à Varsovie, il ne pouvait déterminer nulle part une émotion plus sympathique et plus profonde. La Grande-Bretagne professe, sur le droit de résistance, la doctrine qui venait de triompher avec tant d’éclat ; whigs et tories la confessent presque tous sans hésiter. La France essayant un 1688, n’effrayait pas l’aristocratie parlementaire ; la France chassant une dynastie dont on affectait de confondre la cause avec celle du catholicisme, se conciliait l’enthousiasme de tout le vieux protestantisme, depuis le bon fermier lisant la Bible dans son parlour, jusqu’au ministre fanatique se torturant sous l’esprit ; la France faisant des barricades et triomphant de la force publique, était applaudie avec transport par les mains calleuses des ateliers et des unions politiques.