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REVUE LITTÉRAIRE.

les richesses affluaient vers l’église, par les remords, les terreurs d’une autre vie, ou la piété envers les morts ; mais ce que l’église gagnait si vite en puissance temporelle et en richesse, elle le perdait en puissance morale, et sans prêter au bourgeois de Lyon des théories fortement conçues, il convient cependant de reconnaître en lui de généreux instincts ; il déclara coupables d’homicide les papes qui excitaient les princes à faire la guerre, il protesta contre la peine de mort, alors même que le pape Lucius III, dans une bulle de 1184, révélait la première idée du formidable tribunal de l’inquisition. Il réclama encore pour tous les chrétiens la liberté de l’enseignement religieux, quand les hommes éminens du clergé eux-mêmes reprochaient amèrement aux prêtres le peu de soin qu’ils prenaient de l’instruction du peuple. Enfin, quand la cupidité était partout, dans le haut clergé qui dévorait, comme on disait au XIIe siècle, l’héritage du Christ, dans la noblesse qui d’une main donnait au clergé et le dépouillait de l’autre, dans toutes ces hordes de cotereaux, de tisserands, de routiers, qui pillaient l’église, le serf et le bourgeois, Valdo jetait son or aux malheureux et proclamait la pauvreté évangélique.


L’art considéré comme le symbole de l’état social, par M. Louis Dussieux[1]. — À ce titre prétentieux et emphatique, on ne soupçonnerait certes pas une brochure de moins de cent pages, destinée à établir dans de simples tableaux synoptiques l’histoire des beaux-arts en France. De notre temps, il ne faut pas s’effrayer des titres ; à mesure qu’on tient moins, il semble qu’il faille promettre davantage, et qu’on doive se résigner à ne trouver, dans beaucoup des livres qu’annonce chaque semaine le Journal de la Librairie, qu’une étiquette sonore, et quelquefois aussi, j’en conviens, de spirituelles épigraphes. Les anciens, et nos aïeux encore, n’alléchaient pas de la sorte la curiosité publique, qu’ils savaient néanmoins satisfaire ; c’est que les gens vraiment riches n’ont pas tant de luxe dans leur livrée. De pareilles réflexions ne s’appliquent qu’en partie à la brochure dont je parle en ce moment, brochure qui n’est pas sans utilité au fond, et dont l’idée première est louable. Malgré son peu d’étendue, cet opuscule mérite l’examen. De nombreux et graves défauts, qui sont ceux de plusieurs jeunes écrivains enthousiastes d’aujourd’hui, et qu’il importe de signaler, des erreurs dont il faut se garder, quelques qualités qu’il serait injuste d’omettre, le recommandent à l’attention de la critique.

Dans deux chapitres de seize pages, destinés à servir d’introduction, l’auteur traite de l’état de la société depuis Jésus-Christ jusqu’à Grégoire VII et Philippe-Auguste, et de la sculpture, de la peinture et de la musique, depuis le IVe siècle jusqu’au XIe siècle. C’est toujours la même tendance à la généralisation précipitée et vide, au titre ambitieux et exagéré. M. Dussieux semble avoir beaucoup cultivé Herder et Vico ; les utopies sociales de Saint-Simon, les théories

  1. Grand in-8o, chez Durand, rue des Grès, 3.