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tériel, mémoire, etc. ; puis c’est la sensibilité, la théorie des affections et des désirs, etc. M. Matthiœ a rejeté la volonté dans sa métaphysique. Après la psychologie vient la logique qui est le système des lois et des principes de l’intelligence. Enfin, M. Matthiœ place à la fin de sa philosophie, après la métaphysique, la morale, la théorie des droits et des devoirs, qui est pour lui la philosophie pratique. On le voit d’après cette esquisse rapide, nous retrouvons ici les divisions de la philosophie enseignée dans nos écoles. Au premier aspect on pourrait se méprendre, si, dès son point de départ, et dans le cours de l’ouvrage, l’auteur n’avait subordonné toute la philosophie à la métaphysique.

M. Poret, dans une préface écrite avec sagesse, et qui rappelle en quelques endroits la netteté d’exposition de M. Jouffroy, s’étonne de l’immense crédit qu’ont obtenu, dès leur apparition en France, les doctrines écossaises. Il regrette que les doctrines allemandes ne jouissent pas de la même popularité, et il attribue à des causes qui, nous le croyons, ne sont point les seules bonnes, l’espèce d’opposition qu’a rencontrée dans les esprits français l’introduction des systèmes venus d’outre-Rhin.

En Angleterre, après Locke qui avait exagéré le principe de la sensation, après Hume qui avait poussé le scepticisme jusqu’à ses dernières limites, le bon sens revendiqua ses droits, et il y eut réaction dans la philosophie. Reid et Dugald-Stewart se firent alors les organes de la révolution nouvelle. D’un autre côté, l’Allemagne, dans la dernière moitié du dernier siècle, avait vu naître une philosophie en tout adaptée à son esprit spéculatif. Dans sa retraite de Kœnigsberg, pendant les veilles d’un demi-siècle, Kant médita sur les questions les plus élevées, mais en même temps les plus obscures de la philosophie.

En France, la philosophie de Condillac, qui avait continué le système de Locke, régnait sans contradiction ; mais comme la philosophie de Condillac ne pouvait être le dernier mot de la science, on se remit, en France, à la recherche de nouveaux principes. Il y avait, au commencement de notre siècle, des rapports fréquens entre la France et l’Allemagne ; et toutefois, les regards des philosophes ne se tournèrent point de ce côté. Un louable instinct nous fit chercher en Écosse une doctrine qui jusqu’alors n’avait point eu d’éclat, qui était concentrée dans les écoles de Glasgow et d’Édimbourg ; mais cette doctrine, basée sur le bon sens, répondait peut-être mieux aux besoins de ceux qui voulaient des principes plus arrêtés, moins contestables, que les spéculations de Kant et de Fichte. Cependant, à cette époque, la philosophie de Kant avait eu un immense retentissement en Allemagne, et cela à cause de son but. Mme de Staël a dit : « Le caractère distinctif de la littérature allemande est de rapporter tout à l’existence intérieure, et comme c’est là le mystère des mystères, une curiosité sans bornes s’y attache. » Ce que Mme de Staël a dit de la littérature s’applique bien mieux encore à la philosophie allemande. Kant eut bientôt, dans toutes les parties de l’Allemagne, de fervens disciples.