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LA SICILE.

lentes intentions se réalisaient rarement, il est vrai, faute d’un pouvoir réel, mais qui n’a jamais cessé de veiller aux intérêts de la patrie et de travailler à son bien-être. À son départ, le prince de Campo-Franco a été peu regretté. Il n’a pas fait le bien, disait-on, et il n’a pas empêché le mal. Chaque jour, on le chargeait de quelques accusations nouvelles, et j’ai lieu de croire qu’elles n’étaient souvent pas fondées. Le fait suivant l’est-il ? je l’ignore ; mais fût-il réel, le vice-roi aurait eu sans doute la main forcée. Le roi avait accordé 3,000 onces à Palerme, à l’époque du choléra (40,000 francs environ). Le prince de Campo-Franco affecta cette somme, dit-on, au remboursement d’une créance déjà ancienne du trésor royal sur la ville de Palerme, en sorte que les 3,000 onces ne sortirent pas des caisses du gouvernement. Encore une fois, j’ignore si ce rigoureux exemple de comptabilité administrative a été donné par l’excellent prince de Campo-Franco ; mais ce que je sais bien, c’est qu’il donnait sur son traitement de luogotenente, une rente annuelle de 4,000 ducats au dépôt de mendicité (nuovo deposito di mendici). Là, du moins, on regrettera, j’en suis bien sûr, l’administration du prince de Campo-Franco.

Je viens à une autre cause de désunion en Sicile. Je veux parler de la classe moyenne qui grossit chaque jour. Vous savez combien la division des propriétés, qui a eu lieu en France depuis 1789, a fait augmenter le nombre des gens de loi, notaires, avoués, huissiers et autres. Outre la division des propriétés qui a lieu en Sicile, et qui augmente le nombre de ces patrocinarii, il y a, je ne dis pas le goût, mais la rage des procès, qui les enrichit. Les avocats sont déjà jaloux des nobles, ce qui est une notable preuve de civilisation. Ils n’osent pas encore imiter le luxe des seigneurs, mais ils achètent leurs terres à mesure que ceux-ci se trouvent ruinés. Ceci est un progrès tout récent de la bourgeoisie. Il y a quelques années, elle se contentait de placer son argent ; maintenant elle en est à la seconde phase des lumières, elle veut posséder la terre, et, dans quelques années, elle voudra déjà lutter d’influence avec la classe supérieure. Dans les grandes villes, telles que Palerme, le peuple s’entend mieux avec la noblesse qu’avec la bourgeoisie, car les seigneurs ont une certaine manière affable et paternelle de traiter les inférieurs qui les entourent, manière toute de tradition, et que ne peut acquérir, avec les domaines seigneuriaux, la classe moyenne, toujours un peu avide et rude aux pauvres gens. Une tradition qui vient aussi d’un temps bien reculé, et qui règne encore dans les classes inférieures, fait que les