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SPIRIDION.

mystères de la morale et du dogme catholiques. Il y retrouva tout ce qui faisait pour lui la grandeur et la beauté du protestantisme, le dogme de l’unité et de l’éternité de Dieu que les deux religions avaient emprunté au judaïsme, et ceux qui semblent en découler naturellement et que pourtant celui-ci n’avait pas reconnus, l’immortalité de l’ame, le libre arbitre dans cette vie, et dans l’autre la récompense pour les bons et la punition pour les méchans. Il y retrouva, plus pure peut-être et plus élevée encore, cette morale sublime qui prêche aux hommes l’égalité entre eux, la fraternité, l’amour, la charité, le dévouement à autrui, le renoncement à soi-même. Le catholicisme lui paraissait avoir, en outre, l’avantage d’une formule plus vaste et d’une unité vigoureuse qui manquait au luthéranisme. Celui-ci avait, il est vrai, en retour conquis la liberté d’examen, qui est aussi un besoin de la nature humaine, et proclamé l’autorité de la raison individuelle ; mais il avait, par cela même, renoncé au principe de l’infaillibilité, qui est la base nécessaire et la condition vitale de toute religion révélée, puisqu’on ne peut faire vivre une chose qu’en vertu des lois qui ont présidé à sa naissance, et qu’on ne peut, par conséquent, confirmer et continuer une révélation que par une autre. Or, l’infaillibilité n’est autre chose que la révélation continuée par Dieu même ou le Verbe, dans la personne de ses vicaires. Le luthéranisme, qui prétendait partager l’origine du catholicisme et s’appuyer à la même révélation, avait, en brisant la chaîne traditionnelle qui rattachait le christianisme tout entier à cette même révélation, sapé de ses propres mains les fondemens de son édifice. En livrant à la libre discussion la continuation de la religion révélée, il avait par là même livré aussi son commencement, et attenté ainsi lui-même à l’inviolabilité de cette origine qu’il partageait avec la secte rivale. Comme l’esprit d’Hébronius se trouvait en ce moment plus porté vers la foi que vers la critique, et qu’il avait bien moins besoin de discussion que de conviction, il se trouva naturellement porté à préférer la certitude et l’autorité du catholicisme à la liberté et à l’incertitude du protestantisme. Ce sentiment se fortifiait encore à l’aspect du caractère sacré d’antiquité que le temps avait imprimé au front de la religion mère. Puis la pompe et l’éclat dont s’entourait le culte romain semblaient à cet esprit poétique l’expression harmonieuse et nécessaire d’une religion révélée par le Dieu de la gloire et de la toute-puissance. Enfin, après de mûres réflexions, il se reconnut sincèrement et entièrement convaincu, et reçut de nouveau le baptême des mains de Bossuet. Il ajouta sur les