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va reprendre aujourd’hui. C’est pendant son ambassade que les cours de Paris et de Londres se sont entendues pour cette création de légions auxiliaires, pour cette intervention indirecte dont les suites n’ont pas répondu à l’espoir qu’en avaient conçu les amis de la cause constitutionnelle. M. Villiers retourne de son côté à Madrid. M. Mendizabal et M. de Toreno font aussi leurs préparatifs de départ, pour assister aux premiers débats de la session. À moins d’évènemens extérieurs, que la fatigue universelle et le découragement de tous les partis ne donnent pas lieu de prévoir, l’opinion modérée conservera son ascendant au sein des cortès. Quelques divisions se manifestaient dans ses rangs ; mais pour obvier à leurs funestes conséquences, les principaux personnages de ce parti ont fondé à Madrid une espèce de conférence où le plus généreux désintéressement s’est aussitôt manifesté chez les hommes que la supériorité de leur esprit et leur haute position sembleraient devoir convier à des prétentions ambitieuses. Le ministère trouvera infailliblement un appui dans cette réunion provoquée par la gravité des circonstances, et qui ne mérite pas le reproche de vouloir substituer son action à celle du gouvernement. En dehors, s’agitent les restes d’un parti désorganisé, auquel malheureusement ses successeurs au pouvoir n’opposent pas des victoires assez belles pour qu’il perde toute influence sur la nation. Ce parti, qui a pour lui, à Madrid, l’ayuntamiento constitutionnel et la députation provinciale, corporations élues sous le ministère Calatrava, leur a dicté, peu de jours après la formation du nouveau cabinet, des représentations qu’elles ont été admises à présenter à la reine, représentations vagues et déclamatoires, mais qui étaient au fond des actes d’hostilité contre M. d’Ofalia et l’opinion modérée. Dans l’état présent des choses, il cherchera à exploiter, par quelque démonstration du même genre, le double revers des armes de la reine. Toutefois, je ne crois pas qu’il réussisse à passionner la population, et si Espartero ne se laisse pas gagner par les intrigues, cette agitation, toute à la surface, ne sera suivie d’aucun effet. Vous voyez au reste, monsieur, que je ne m’étais pas trompé, quand je vous disais, il y a un mois, que c’était encore une année de perdue pour l’Espagne. Je vous dirais bien pis, si j’en croyais mes pressentimens et l’opinion que je me suis faite depuis trois ans sur cette terrible guerre. Mais à quoi bon être prophète de malheur, quand on ne peut indiquer le moyen de salut ?

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F. Buloz.