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naux, car chaque administration de journal peut envoyer au timbre le nombre de feuilles qu’elle juge convenable, et souvent un journal peut se charger de fournir les feuilles timbrées à un autre, comme fait, depuis deux mois, dit-on, l’imprimeur du Messager à l’égard du Journal de Paris. En Angleterre, où les annonces se font en raison du nombre des abonnés, quelques journaux de Londres font timbrer, par spéculation, un grand nombre de feuilles qu’ils vendent aux journaux de province, et figurent ainsi pour un plus grand nombre d’abonnés que celui qu’ils ont réellement, dans les états du timbre qu’on publie chaque mois.




vii.
Monsieur,

Une résolution généreuse du pacha d’Égypte trompe à la fois ses amis et ses ennemis : il accepte le fameux traité de commerce. En même temps, pour démontrer qu’il ajourne ses projets, et qu’il croit n’avoir de quelques mois rien à démêler avec les puissances qui ont exigé cet ajournement, dans l’intérêt de la paix générale, il est parti pour le Sennaar, comme il l’avait annoncé. L’un et l’autre fait sont également certains, quoi qu’on en dise dans les journaux allemands et anglais. Ce qui n’est pas moins certain, c’est qu’une pareille résolution entraîne pour lui la nécessité d’apporter les plus graves modifications dans tout son système administratif, car il n’entend rien changer à l’appareil extérieur de sa puissance ; il fait toutes ses réserves pour l’avenir, et ne veut pas, à la fin d’une si grande carrière, redescendre au rang de simple préfet de la Porte, ce qu’il n’a du reste jamais été. La situation devient donc embarrassante. On espérait le forcer à une révolte ouverte, et le faire écraser par l’Angleterre et la Russie, ou le ruiner, et lui ne veut ni se révolter ni être ruiné. Il lui faut en conséquence un nouvel effort de génie, une nouvelle faveur de la fortune, pour sortir intact et toujours redoutable de cette crise, qu’il ne saura gré ni à l’Angleterre ni au sultan Mahmoud d’avoir provoquée. Je ne doute pas de son succès. Dans sa longue carrière, il n’a pas trouvé beaucoup de choses impossibles. Aujourd’hui, ce qu’il y aurait à craindre, ce serait que les forces et la vie vinssent à lui manquer. Mais rien encore ne trahit chez lui la décrépitude, et quand on connaît les mœurs des Turcs, on peut tout attendre d’un homme qui, l’année dernière, a licencié son harem, en déclarant aux consuls européens qu’il ne voulait pas user dans des plaisirs dangereux à son âge une existence qu’il avait besoin de prolonger encore quelques années.