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Les quatre feuilles en question sont d’accord sur un point, sur la nécessité d’en finir avec l’Espagne. « Les divisions s’effacent à mesure que nous marchons, dit la feuille du soir ; les diverses nuances de l’opinion parlementaire s’effacent, et tous les grands intérêts se trouvent compris par tous les hommes politiques. » Et la même feuille ajoute qu’on lit dans le Journal Général, « qui reçoit les inspirations de M. Guizot et des membres les plus distingués de son parti, » un article qu’elle cite et qui tend à intervenir en Espagne, pour nous donner de la sécurité sur cette frontière, dans l’éventualité d’une conflagration générale et des grandes menaces d’un avenir qui peut être très prochain.

Quoique nous ne partagions pas l’opinion de M. Guizot et des membres les plus distingués de son parti sur cette conflagration générale si proche, nous ne sommes pas moins ravis, charmés, de le voir en possession d’un avis net et décidé au sujet de l’Espagne. M. Guizot ne dira donc plus comme autrefois, quand il était le collègue de M. Thiers, qu’on peut prendre l’une ou l’autre voie ; et le parti doctrinaire, qui était encore opposé à l’intervention lors des débats au sujet de l’adresse, dans la dernière session, a changé encore en ceci, comme sur tant d’autres points. Le Siècle ou M. Barrot est, de son côté, de l’avis du Journal Général ou de M. Guizot ; il appelle l’attention des partis sur la situation de l’Espagne. Les hommes dévoués à la révolution, dit-il, s’irritent de l’abandon dans lequel est laissé ce malheureux pays, et à ce sujet il cite l’autorité pleine de force du Journal de Paris ! Voilà, en effet, toutes les nuances d’opinions effacées et tous les hommes politiques d’accord. Au début de la session, dès que MM. Odilon Barrot, candidat du Constitutionnel, et du Siècle sans doute, sera mis en possession de la présidence de la chambre, on interviendra en Espagne, en attendant qu’on procède au renouvellement du corps électoral d’après le principe consacré par la pétition qui se signe en ce moment. Nous verrons ce qu’en pensera la chambre.

Ce petit changement fait à la politique extérieure adoptée jusqu’à présent par le gouvernement et par les chambres, ne manquera pas d’en amener d’autres qu’on peut prévoir. Déjà l’opposition fait son plan de politique générale, et le tableau des alliances qui nous conviennent. Elle s’indigne d’abord, comme de raison et de coutume, de la conduite du ministère, qui ambitionne une alliance avec la Russie, quand cette alliance est de nature à compromettre, d’ici à longues années, tout ministère qui s’inclinera de ce côté. C’est, on en conviendra, une manière bien commode de trouver des torts au gouvernement, que de les lui prêter sans le moindre prétexte plausible. On part de là pour semoncer rudement ce ministère anti-national, ce cabinet anti-constitutionnel, qui cherche ses alliés au Nord, au lieu de les prendre parmi les gouvernemens qui nous sont analogues par l’esprit libéral et les institutions. En vérité, il semble, à écouter de telles accusations, que ceux qui les portent, ont préalablement déchiré tous les traités et brûlé les