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l’abolition du monopole en Turquie ; en conséquence, il refusait de souscrire présentement au traité. Le consul crut de son devoir de faire sentir au pacha toute l’importance et toute la gravité de cette réponse ; mais Méhémet-Ali, après l’avoir écouté patiemment, confirma sa déclaration dans les mêmes termes. Le pacha continua de se préparer à son voyage du Sennaar, au grand étonnement des représentans des puissances, qui prévoyaient de grandes complications dans les affaires. Ce fut à l’issue de cette conférence du pacha avec M. Cochelet, que les consuls informèrent leurs gouvernemens respectifs des dispositions du vice-roi d’Égypte, et que toutes les correspondances annoncèrent son refus formel d’adhérer aux engagemens pris par le grand-seigneur, à l’égard de l’Égypte, dans le traité de commerce de Constantinople.

Trois jours après, le pacha invita de nouveau les consuls à se rendre auprès de lui, et leur déclara qu’après avoir fait de mûres réflexions, il avait résolu d’accéder au traité. Sans vouloir remarquer la surprise que causait cette résolution si éloignée de celle qu’il avait manifestée dans sa dernière audience, le vice-roi parla longuement des mesures qu’il aurait à prendre dans sa nouvelle situation, et des ressources administratives qu’il a en réserve ; puis, il reçut ses principaux fonctionnaires, leur fit ses adieux, et partit pour le lointain voyage du Sennaar, avec Saïd-Bey, son fils chéri, qu’il a placé à la tête de sa marine, et qui donne les plus belles espérances. L’ordre de désarmer une partie de la flotte égyptienne fut donné aussitôt. Le grand âge de Méhémet-Ali, la dignité répandue sur toute sa personne, son calme et sa gaieté dans un moment si difficile, ont contribué à rendre cette scène à la fois touchante et solennelle. Nous croirions faire injure à la sagacité de nos lecteurs, en leur exposant toutes les conséquences que doit avoir, pour la paix de l’Orient, l’adhésion de Méhémet-Ali aux conventions diplomatiques conclues par le grand-seigneur, en ce qui concerne l’Égypte.

Avant de parler des affaires intérieures du pays, nous voulons constater encore le succès des mesures adoptées pour le développement de la domination française en Afrique. Voici le résumé des dernières nouvelles, qui sont du 8 octobre, et de la plus haute importance.

L’occupation de la province de Constantine se complète insensiblement par les soins du maréchal Valée, qui vient de s’y transporter. L’armée a pris possession d’une excellente position maritime, sur les ruines d’une grande ville romaine, dans la baie de Stora, et les juges les plus compétens proclament que cette position est peut-être la meilleure de tout le littoral africain, depuis l’embouchure de la Tafna jusqu’au-delà de Bone. Grâce à cette belle opération, que l’armée et le génie militaire avaient préparée par d’admirables travaux, Constantine n’est plus qu’à dix-neuf lieues de la mer, et désormais sera bien plus sûrement approvisionnée, et à moins de frais. Pour comble de bonheur, le pays qui entoure cette nouvelle et pacifique conquête est d’une grande fertilité : nulle part dans la régence, il n’y a d’aussi épaisses futaies, ce qui est un avantage inappréciable. Le gouverneur-général a donné