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temps : alors vous vous êtes demandé avec vos amis, si dans cette position neuve des hommes et des choses, il n’y avait pas à commencer des travaux d’une application plus immédiate, à tenter d’associer à la littérature et à la philosophie une politique pratique à laquelle vos habitudes de périodicité vous permettraient de donner à la fois consistance et opportunité. L’an dernier, un cabinet conciliateur et libéral a pris la direction des affaires ; vous n’avez pas mis votre patriotisme à accueillir son avénement et ses débuts par le dénigrement : vous n’avez pas demandé la règle de votre conduite aux différentes injures jetées successivement à la nouvelle administration. Pendant qu’on l’accusait d’être un petit ministère, vous reconnaissiez dans ses membres des hommes d’état considérables, d’une habileté qui depuis a pu défier tous les dédains. Si l’on disait ensuite que c’était un ministère de cour, vous touchiez au doigt le mensonge de cette imputation, en voyant avec quelle religion le cabinet du 15 avril cherchait en toute matière à s’assurer le concours parlementaire, avec quelle persévérance les chambres lui avaient prêté leur appui. Si enfin les opposans aux abois risquaient cet absurde cri de ministre corrupteur et corrompu, vous constatiez la bonne foi des partis qui avaient d’abord reconnu les ministres du 15 avril pour d’honnêtes gens, et qui ne leur retiraient aujourd’hui la probité que parce que leurs succès les exaspéraient ; mais il est trop tard, et l’opinion publique ne se prête pas à ces volte-face de la calomnie. D’ailleurs un intérêt même supérieur à l’existence du cabinet actuel vous a frappé : vous avez pensé, monsieur, que le mouvement révolutionnaire était consommé pour la France du XIXe siècle ; que notre pays, pour organiser ses prospérités intérieures et sa grandeur vis-à-vis du monde, sentait le besoin de renoncer aux convulsions stériles, aux agitations sans dénouement, et de trouver son équilibre dans le système de la monarchie constitutionnelle. Voilà une conviction suprême qui montre que vous n’entamez pas l’œuvre d’un jour ; mais pour être laborieuse, cette tâche n’en veut pas moins être poursuivie, car là sont aujourd’hui la vérité, le patriotisme et l’intelligence.

Agréez, monsieur, etc.


Lerminier


12 Octobre 1838.