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LA PRESSE POLITIQUE.

Mettons un peu en regard la réalité et les allégations de la presse. Plusieurs de ses organes disent au pays : Vous croyez être dans une situation constitutionnelle, dans un état normal ; lourde erreur ! On vous asservit à votre insu ; vous n’êtes pas gouvernés suivant les règles de la charte : le roi exerce sur le gouvernement et les affaires une influence excessive, le ministère n’a ni indépendance ni personnalité. Il est vrai qu’à la surface tout est régulier, mais ces apparences sont menteuses ; au fond la constitution est éludée, et encore une fois vous ne vous apercevez pas qu’on vous trompe et qu’on vous opprime. Quelle est la valeur de ces assertions ? D’après notre charte, le roi règne par lui seul ; il gouverne avec le concours des chambres, par l’entremise et la responsabilité de ses ministres. Voilà notre loi politique. A-t-elle entendu par ses prescriptions que la personnalité du roi, ses talens, son caractère, n’auraient aucune action sur la marche des choses et des affaires, qu’il deviendrait indifférent pour la France d’avoir sur le trône un grand politique ou un homme médiocre, et que le roi constitutionnel était un être abstrait, toujours le même, parce qu’il serait toujours nul ? Si tel était le vœu de la charte, il serait une injure à l’esprit de notre pays, qui est plus sensible qu’aucun autre aux qualités personnelles ; mais il n’en est pas ainsi : le gouvernement représentatif ne compte pas parmi ses conditions l’abdication morale du roi ; quel publiciste consentirait à ériger en axiome un pareil contresens ? Voici ce qu’écrivait M. Guizot en 1828 : « Dans le système représentatif le mieux réglé, au milieu du déploiement des libertés publiques, en droit comme en fait, l’opinion du roi, la volonté du roi, la personne du roi tiendra toujours une grande place ; ses croyances, ses sentimens, ses habitudes, ses antipathies, ses goûts, seront autant de faits qu’il faudra prendre en considération… Deux faits sont également certains : l’un, que la pensée, la volonté du roi est une force avec laquelle il faut traiter ; l’autre, que cette force n’est point intraitable, et d’obstacle qu’elle était d’abord, peut fort bien devenir moyen. » Vous voyez, monsieur, que les journalistes qui se disent aujourd’hui les amis de M. Guizot, auraient dû interroger leur maître et prendre ses conseils avant de travailler à soulever une émeute morale contre le pouvoir constitutionnel de la royauté. S’il est dans la nature des choses que la personne du roi ait une part prévue d’influence dans les affaires d’un état constitutionnel, combien ce fait légitime est encore moins méconnaissable dans le premier règne d’une dynastie ! À ce propos, permettez-moi, monsieur, de vous rapporter les paroles d’un étranger qui, en me ren-