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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

quelque accroissement que procurassent à l’industrie nationale le monopole des Indes, arrachées à la France, et celui de l’Amérique, encore soumise à la métropole, l’influence aristocratique conquit bien plus de terrain que ne le fit, de son côté, l’influence financière.

Le gouvernement de la Grande-Bretagne passa aux mains de la pairie ; les communes cessant, comme elles l’avaient fait sous les Stuarts, de représenter des passions presbytériennes et d’exprimer, par cela seul, des idées démocratiques, réfléchirent presque exclusivement l’esprit de la chambre haute. Les bourgs pourris (rotten boroughs), devinrent l’apanage avoué des grandes familles assez riches pour en acheter les corporations électorales. Du jour où la maison d’Hanovre fut consolidée, la lutte qui n’existait plus entre les passions religieuses et politiques, s’établit entre deux factions parlementaires formées au sein du même corps, représentant au fond le même intérêt, malgré des dissidences secondaires d’une appréciation délicate et souvent fort difficile. L’acte passé sous George Ier qui étendit à sept années la durée des parlemens, triennaux depuis Guillaume III, contribua plus que toute autre cause à donner au gouvernement anglais cette fixité de traditions, à y entretenir ces ambitions patientes, ces coalitions fortes et habiles, que le génie aristocratique oppose avec complaisance aux entraînemens de la démocratie.

Alors la constitution britannique se trouva arrivée au point suprême de son développement, et un patriciat puissant s’établit en Europe, dans le temps même où les autres aristocraties, dégradées dans l’opinion des peuples, étalaient leur décrépitude dans les antichambres royales, prenant avec Louis XV les mœurs de mauvais lieux, ou se faisant philosophes avec Catherine II et Voltaire. Ce fut un imposant spectacle assurément, et bien digne d’occuper les contemporains. On n’a donc pas lieu d’être surpris que le dix-huitième siècle, dont les préoccupations se portaient si vivement sur l’organisme des sociétés, prêtât à l’Angleterre son attention la plus soutenue. Mais ce qui peut à bon droit étonner, c’est de voir ses observateurs les plus sagaces, ses publicistes les plus éminens, chercher dans la constitution de ce pays tout autre chose que ce qui s’y trouvait réellement, et descendre jusqu’à la subtilité pour expliquer, par une prétendue balance de pouvoirs rivaux, un gouvernement puissant surtout par l’unité qui en était l’ame. Une aristocratie divisée en deux chambres, tel était du temps de Montesquieu, bien plus encore qu’aujourd’hui, le régime de l’Angleterre.

Le gouvernement, il est vrai, n’était pas sorti d’une manière lo-