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La Pétition de droit s’appuyait sur les plus respectables monumens de l’histoire nationale, depuis la grande charte et les lois d’Édouard Ier, et l’on pouvait remarquer avec quelle ardeur revenait l’Angleterre à ces souvenirs si puissans sur l’opinion, depuis que les controverses religieuses lui avaient rappris la liberté. Ce statut, et ceux non moins décisifs de 1641 pour la tenue périodique des parlemens ; l’abolition de la chambre étoilée et de toutes les juridictions exceptionnelles, contenaient en principe toutes les libertés devenues, après les guerres civiles et les luttes parlementaires de la restauration, le patrimoine incontesté de la Grande-Bretagne.

La Pétition de droit fut en quelque sorte la base de la déclaration des droits, imposée à Guillaume III comme condition de sa royauté. Si des violences et des réactions vinrent s’interposer entre l’époque où furent proclamés les principes nationaux et celle où ils triomphèrent, c’est qu’il est donné aux passions des peuples, comme à celles des princes, de rendre plus difficile l’établissement des idées sorties du travail des siècles, quoiqu’il leur soit interdit de ne jamais prévaloir contre elles.

Les imprudentes prétentions de Charles Ier amenèrent les résistances factieuses du long parlement ; les doctrines d’obéissance passive exaltèrent jusqu’à la frénésie le fanatisme religieux, et Bancroft prépara le ridicule Barebones. Chaque parti, poussé par ses propres passions, et plus encore par celles de ses adversaires, avait dévié de la vérité ; aussi fallut-il d’effroyables secousses pour rasseoir l’esprit national sur son centre de gravité.

Cependant, pour quiconque aurait apprécié de sang-froid l’état de cette contrée au plus fort même de la tempête, il devait demeurer évident qu’aucun intérêt n’y était sérieusement déplacé, que rien de fécond n’avait été introduit dans la vie de ce peuple par les réformateurs, et que son avenir appartiendrait infailliblement aux deux élémens vitaux de son histoire, l’aristocratie et la royauté.

On a comparé la république française après Louis XVI à la république d’Angleterre après Charles Ier. Rien de moins analogue que ces deux faits, du moins dans leurs conséquences sociales. Si, en Angleterre comme en France, l’anarchie suivit ses phases obligées, les puritains reculant devant les indépendans, ceux-ci tremblant à leur tour devant les niveleurs ; si la loi d’action et de réaction amena des crises de la même nature, là s’arrête une similitude plus apparente que réelle. Le sentiment évangélique, qui, en Angleterre, dominait les plus inflexibles agens de la puissance révolutionnaire,