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LA SICILE.

dominicains, et cinq de l’ordre de saint François, tandis que la classe moyenne, je veux dire les communautés qui ne vivent ni d’aumônes ni d’une industrie vulgaire, mais qui ne sont pas composées de frères nobles, offrent un chiffre moyen entre les deux classes que je viens de citer. Ce sont les minimes, les frères de la Merci chaussés, les augustins déchaussés, les moines de l’ordre de saint Basile, du Mont-Cassin. Les différens couvens de la vallée de Palerme renferment 2,064 religieux, prêtres, novices, laïques, profès et frères servans. Dans la vallée de Catane, on compte cent dix-neuf couvens, dans celle de Messine, cent trente ; les vallées de Girgenti, de Syracuse, de Trapani et de Caltanissetta, en offrent l’une soixante-dix, l’autre quatre-vingt-huit, la troisième soixante-huit, et l’on en trouve cinquante-huit dans la quatrième. 7,591 religieux sont renfermés dans tous ces couvens, ce qui établit le rapport des religieux à toute la population de la Sicile, de 1 sur 254 habitans. C’est à Palerme et dans sa vallée que les religieux se trouvent en plus grand nombre. On en compte 1 sur 227 habitans.

Dans le royaume de Naples, où les moines qui ont perdu leurs biens sous le règne du roi Murat, ont sans cesse besoin de la population, les ordres mendians dominent encore plus qu’en Sicile, et cependant les moines de ce côté du Phare vivent dans la meilleure intelligence avec le peuple. Les moines dépouillent le peuple, dit-on, ils vivent à ses dépens ; sans doute ils le dépouillent, mais de son gré, et il faut avoir vu avec quel orgueil un paysan de la Pouille ou des Abruzzes, accablé de la chaleur et du poids d’une laborieuse journée, descend de son âne, pour y faire monter un indolent capucin, avec quelle joie il verse dans la besace du frère une partie des provisions qu’il portait à sa famille, pour se faire une idée de cet empire de la pensée, même la plus grossière. En Sicile, au contraire, presque tous les ordres religieux peuvent secourir et aider les classes inférieures, et l’intérêt se joint aux sentimens de dévotion pour assurer la durée de l’influence des moines.

Au reste, il y a de grandes difficultés à bien constater l’état du clergé en Sicile. D’après le concordat du 21 mars 1818, entre Ferdinand Ier et Pie VII, le roi nomme, il est vrai, les évêques et les dignitaires de l’église, mais le pape dispose, en général, des places ecclésiastiques, quand elles viennent à vaquer dans les six premiers mois de l’année ; le roi est, à la vérité, nonce apostolique en Sicile[1],

  1. La bulle qui investit le roi de Sicile de la qualité de nonce apostolique est de la fin du XIe siècle ; elle a été accordée par le pape Urbain II au comte Roger. Benoît XIII l’a confirmée en 1728.