Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
REVUE DES DEUX MONDES.

trouva le centre des passions et des intérêts protestans contre l’autorité romaine, comme au moyen-âge elle avait été l’ame de toutes les résistances nationales contre le pouvoir royal. Enfin, lorsque l’établissement anglican, régularisé sous Edouard VI, fut décidément fondé sous Élisabeth par le bonheur autant que par l’habileté de sa politique, la noblesse et l’église établie présentèrent un faisceau de forces et d’influences que n’ont pu délier ni les puritains de Cromwell, ni les conseillers secrets de Jacques II, ni des influences plus récentes et plus redoutables.

Henri VIII comprit que la hache de ses bourreaux, tout expéditive qu’elle fût, ne suffirait point pour maintenir son œuvre théologique : aussi se hâta-t-il de lui donner des appuis plus solides.

Au XVe siècle, le tiers environ du sol était possédé ou par l’église ou par des institutions de charité. Indépendamment des paroisses, six cent quarante-cinq monastères, quatre-vingt-dix grands colléges, plus de cent hôpitaux, un nombre infini de chapelles privées et chanteries s’élevaient, au dire des historiens, sur ce sol où tant de ruines attestent encore la fécondité de l’inspiration catholique.

Un premier essai de suppression amena, dans le nord du royaume, une insurrection redoutable. Le peuple vit avec désespoir tomber ces asiles de prières où il recevait chaque jour le pain du corps avec celui de l’ame. Mais le roi triompha de tous les obstacles, et, en 1540, la suppression des monastères était un fait consommé. Deux années plus tard, le parlement recevait injonction de réunir au domaine de la couronne les biens des colléges et hospices, et alors commence, pour l’Angleterre, cette histoire de la charité légale, sur la dernière phase de laquelle nous aurons à nous arrêter dans la suite de ce travail.

Pour réconcilier le peuple avec des innovations qui l’atteignaient si directement dans les ressources de sa vie, il avait été dit que les immenses propriétés réunies au domaine royal rendraient désormais inutiles tout établissement de taxe, toute demande de bénévolence. Mais Henri n’entendait pas la chose ainsi. Tout, ou à peu près, fut distribué aux lords de la chambre haute, aux chevaliers des comtés, nuées de cormorans dont il se plaignit bientôt de ne pouvoir satisfaire l’insatiable avidité.

Ainsi la noblesse retrouvait tout à coup l’importance territoriale que tant de vicissitudes avaient contribué à lui faire perdre dans le cours du XVe siècle.

Une autre conséquence des réformes de Henri VIII devait modifier