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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

viennent plutôt pour donner des éclaircissemens en matière de finances que pour statuer sur le fond des questions elles-mêmes. On ne les voit point siéger à la cour du roi avec les conseillers nés de sa couronne, et le monarque hautain leur donne audience comme en passant, tantôt en sa chambre à coucher, tantôt partant pour la chasse, lorsqu’il a déjà les éperons aux pieds et le faucon au poing. Dans le cours du XIXe siècle, des sommations adressées aux lords pour qu’ils aient à venir au parlement, portent encore : de arduis rebus tractaturis et consilium impensuri, tandis que les députés des bourgs sont seulement convoqués, ad faciendum et consentiendum. Aussi ce droit de représentation est-il alors peu jalousé par les villes qui ne le possèdent pas, et trouve-t-on plus d’un exemple, dans l’histoire, de réclamations adressées par des bourgs, prétendant que cette obligation leur a été malicieusement imposée.

On le voit, la France, agitée à cette époque par les factions des princes du sang, dont les états-généraux se faisaient les tumultueux organes, la Flandre dominée par les intérêts démocratiques, le Portugal, la Castille et l’Aragon, régis par leurs souveraines cortès, l’Italie soumise à son gouvernement municipal et républicain, une grande partie de l’Allemagne elle-même, devançaient alors l’Angleterre dans les voies de la liberté politique, tant l’autorité royale était puissante dans ce pays par le fait même de son établissement primordial ! Quoi qu’en ait dit le patriotisme anglais, Hume a pu écrire sans paradoxe que « les bourgs et corporations anglaises furent établies en imitation de celles de France, et que ce dernier pays est la source de la liberté des communes. »

Cependant on n’en suit pas moins de règne en règne, depuis le commencement du XIIIe siècle, date de la grande charte, jusqu’à l’avènement des Tudors à la fin du XVe, les progrès, tout lents qu’ils soient, de l’émancipation de l’Angleterre, et toujours ces progrès sont dus à la même cause, l’association des intérêts aristocratiques et populaires contre le pouvoir de la couronne.

Ainsi Édouard Ier, pressé d’argent, régularise, dans l’intérêt de son échiquier, la représentation des villes et bourgs au parlement. Sous Édouard II, les barons imposent au monarque le concours d’une junte choisie par eux, et les communes annexent des remontrances à leurs octrois de subsides.

Édouard III, engagé dans ses longues guerres contre la France, placé par là dans l’étroite dépendance de ses créanciers aussi bien que de sa noblesse militaire, dut confirmer maintes fois par serment