Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Le clergé vit consacrer la liberté de ses élections et l’indépendance de sa juridiction spirituelle. Les barons obtinrent de nombreux adoucissemens à la rigueur des lois féodales ; le droit de succession et de dévolution fut reconnu en même temps que les conditions du service militaire furent réglées d’une manière équitable. Les priviléges départis aux barons contre le roi le furent également aux arrière-vassaux contre leurs seigneurs : ceux-ci renoncèrent à lever taille ou aide, si ce n’est pour les cas expressément spécifiés par les lois féodales. Le roi jura, de son côté, de ne rien prétendre en ce genre que de l’assentiment du grand conseil national. Les marchands virent consacrer le droit de se livrer à leur trafic et industrie sans redouter taxe ou vexation. Chacun obtint la faculté de transporter, selon son bon plaisir, d’un bout à l’autre du royaume, sa personne et son avoir. La justice devint accessible à tous, et les cours judiciaires, jusqu’alors ambulatoires parce qu’elles étaient attachées à la personne du roi, furent rendues stationnaires. On détermina leur circuit et juridiction, et leur compétence fut réglée selon des bases qu’elles conservent encore aujourd’hui. À chacun fut reconnu le droit de n’être poursuivi que sur témoignage, jugé que par ses pairs et condamné que conformément à la loi territoriale ; il n’est pas jusqu’aux pauvres paysans qui n’obtinrent quelques gages de bienveillance dans ce jour de redressement ; il fut interdit désormais de saisir, en cas d’amende, tout ou partie de leurs instrumens de travail.

Telle fut cette magna charta d’où ne sort pas sans doute, littéralement, la constitution de la moderne Angleterre, mais qui en est pourtant l’incontestable origine. C’est par ce souvenir, en effet, que l’Angleterre a continué de se sentir une nation libre, même aux temps les plus honteux de son histoire ; c’est lui qui a scellé, dans la nuit des âges, cette alliance de l’aristocratie et du peuple, qui résiste aujourd’hui même à toutes les influences du temps ; c’est lui qu’invoquent sans cesse tous ceux qui parlent à l’opinion, qu’ils appartiennent au whiggisme ou au torysme ; et, devant ce souvenir, tous les traits de l’esprit novateur semblent encore s’émousser, toutes ses attaques demeurer impuissantes.

Lorsque l’étranger parcourt les longues galeries du Muséum britannique, sa vue ne s’arrête guère qu’avec une attention distraite sur ces riches collections de toutes les zones, sur ces curieux monumens de toutes les civilisations et de tous les siècles ; souvent même il reste froid devant les marbres détachés du Parthénon que ne réchauffe plus le soleil de la patrie. Mais lorsque, dans sa marche indif-