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finesse de l’érudition et à l’utilité des résultats archéologiques. Cependant M. Guérard, amené par l’étude du polyptique de l’abbé Irminon, à des recherches sur les monnaies des Franks, s’aperçut bientôt qu’il était impossible de subordonner toutes les médailles aux calculs de Le Blanc, et fut forcé, malgré lui, de s’en affranchir. » Il était dangereux, dit M. Guérard, de combattre un système qui partout faisait loi, et servait de guide ; tenter de le décréditer, c’était, pour ainsi dire, tenter de faire rétrograder nos connaissances ; car, à moins d’y substituer un système également lié, également reçu par les savans, également sanctionné par les années, on s’exposait à reprendre à la science plus qu’on ne lui pouvait donner. » Ce respect pour la tradition historique retint quelque temps M. Guérard ; mais, dans l’impossibilité absolue de suivre Le Blanc, il finit par se livrer lui-même à de longues recherches, à de difficiles calculs, qui l’amenèrent enfin à des résultats rigoureux et exacts. L’opuscule de M. Guérard ayant été tiré à très petit nombre pour quelques amis de la science, nous croyons fort utile d’énoncer ici les quatorze propositions auxquelles est arrivé le savant archéologue. Elles peuvent faciliter la solution de bien des questions historiques :

1o Les deniers mérovingiens, soit qu’ils fussent de 4 degrés au sou d’or ou de 12 au sou d’argent, étaient de même espèce et de même valeur. — 2o Le poids du triens fut de 24 grains et celui du sou d’or de 72 grains. — 3o Le denier mérovingien, qui pèse de fait 21 grains deux tiers, devait peser 20 grains quarante-huit centièmes. — 4o Deux espèces de deniers furent en usage sous le roi Pépin, l’un du poids de 21 grains deux tiers, et l’autre du poids de 24 grains environ. — 5o Deux espèces de deniers furent en usage sous Charlemagne : la première était ancienne et venait de Pépin ; la seconde fut nouvelle et Charlemagne en fut l’auteur. — 6o Le système établi par Charlemagne fut maintenu par ses premiers successeurs. — 7o Sous les rois de la première race, la taille fut de 25 sous dans la livre d’argent, du poids de 6,44 grains. — 8o La taille fut réduite par le roi Pépin à 22 sous dans la livre d’argent. — 9o Charlemagne renforça encore la taille et la fixa définitivement à 20 sous dans la livre d’argent ; il augmenta en même temps d’un quart la livre qu’il porta de 6,44 à 7,680 grains. — 10o La monnaie d’or fut abolie par le roi Pépin. — 11o Les sous en usage dans la loi des Ripuaires sont des sous d’or. — 12o La valeur intrinsèque du denier fut, sous la première race, de 23 centimes dix-neuf centièmes ; sous Pépin, de 26 centimes trente-six centièmes ; sous Charlemagne, de 30 centimes vingt-quatre centièmes. La valeur intrinsèque du sou d’or était de 9 francs 28 centimes. — 13o La valeur relative du denier fut, sous la première race, de 2 fr. 49 cent. ; sous Pépin, de 2 fr. 83 cent., sous Charlemagne, jusqu’la fin du VIIIe siècle, de 3 fr. 89 cent. La valeur relative du sou d’or était de 99 fr. 53 cent. — 14° près la fin du VIIIe siècle, le pouvoir de l’argent ayant diminué, la valeur relative du denier ne fut plus que de 2 fr. 66 cent.

Ces résultats sont de la plus haute importance pour l’histoire des deux premières races ; il fallait toute l’érudition, toute la patience et toute la rectitude