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d’hiver, le secrétaire d’ambassade chargé de l’intérim à Saint-Pétersbourg fit savoir à M. de Barante, qui se trouvait à Paris, que le gouvernement russe réclamait l’hôtel de l’ambassade, qui lui était nécessaire. C’est l’accomplissement de cette mesure qui a lieu aujourd’hui. M. de Pahlen devra quitter également l’hôtel qu’il habite à Paris. Tandis que cette demande s’effectuait, M. de Barante était reçu dans le gouvernement d’Odessa avec de grands honneurs. On dit que le gouverneur-général de la petite Russie, L. de Woronzoff, a été destitué à cause de cet accueil. Nous ignorons si M. de Woronzoff a été destitué ; mais ce qui est certain, c’est qu’il avait quitté son gouvernement bien avant l’arrivée de M. de Barante.

Il n’y a donc pas lieu à déclarer la guerre à la Russie, au sujet de cette affaire d’hôtels, comme le voudrait la Gazette, et l’accord de la France et de la Russie en Suisse, pour un fait de sûreté générale, n’est pas non plus une preuve de l’étroite alliance qui règne entre l’autocrate et la dynastie des barricades, pour parler le style de Genève. La France se maintient dans la ligne de ses droits et de ses principes constitutionnels, et le langage des journaux russes prouve suffisamment qu’elle ne les oublie pas plus à Berne qu’à Saint-Pétersbourg. Le Journal des Débats a fait remarquer, avec beaucoup d’esprit et de dignité, jusqu’où va la liberté de la presse en Russie à l’égard de la France, et l’article intitulé le Roi Louis-Philippe et sa Cour, que ce journal extrait des feuilles russes, répond à toutes les déclamations de la presse sur ce qu’elle nomme nos complaisances pour le Nord. Nous concevons qu’on veuille se venger, en Russie, même par des épigrammes, d’un gouvernement qui est, en Europe, la sauve-garde des idées de liberté, quand la Russie se présente comme la protectrice du régime despotique ; mais nous nous étonnerons toujours de voir des écrivains français se réjouir chaque fois qu’ils peuvent supposer que la France est exposée à une insulte. N’avons-nous pas vu louer aussi la lettre du commandant Parquin, qui se porte garant que M. Louis Bonaparte n’a pas manqué à sa parole en rentrant en Suisse après l’acte de clémence dont il a été l’objet, et qui distribue la honte à ceux qui ne croiraient pas à ce qu’il avance ? S’est-il trouvé un seul journal pour demander si M. Parquin, officier français qui a prêté serment au roi, et qui l’a violé si ouvertement à Strasbourg, était en droit de donner une caution de ce genre. Suffit-il donc d’attaquer nos institutions pour être bien venu des partis ? Suisses ou Russes, bonapartistes ou républicains, c’est un titre suffisant à leur bienveillance.

La société vient de faire une perte sensible dans la personne de Mme la duchesse de Broglie, qui vient de succomber aux attaques d’une fièvre cérébrale. C’était la maladie qui avait frappé sa mère, son frère, le baron Auguste de Staël, et un de ses enfans. Mme la duchesse de Broglie était vénérée par tous ceux qui l’approchaient ; vouée surtout à l’éducation de sa famille, aux sentimens d’affection qu’elle portait à son mari, aux devoirs de bienfaisance pour lesquels elle semblait se multiplier, Mme de Broglie trouvait en-