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REVUE. — CHRONIQUE.

garde national. En d’autres termes, le Temps demande que l’on combatte le gouvernement en exigeant la réforme électorale, sauf à la repousser quand il viendra aux affaires ; et le Bon Sens demande le suffrage universel.

On a beaucoup parlé aussi, cette quinzaine, du discours prononcé par le docteur Wade, dans une assemblée radicale à Palace-Yard, où il s’est écrié qu’il y a en France cinq millions de gardes nationaux qui réclament leurs droits politiques, l’épée dans une main et la plume dans l’autre. Le docteur Wade fait faire là une sotte figure à la garde nationale. Dieu merci, la garde nationale a plus de sens, et si elle se voyait privée de droits politiques, elle hésiterait encore à les demander, rien qu’à voir ceux qui l’engagent à le faire. D’où est sortie, en effet, la pensée première de la pétition que signe en ce moment une très petite minorité de la garde nationale ? Tout le monde le sait, de la Gazette de France. La Gazette de France a rêvé un matin que le suffrage universel produirait la convocation des états-généraux qu’elle demande, assez patiemment d’ailleurs, depuis huit ans, et qui doivent appeler au trône Henri V. Quelques journaux radicaux ont entonné depuis quelque temps le refrain quotidien du journal légitimiste, et voilà qu’à leur tour les journaux qui se disent le parti modéré de la coalition, parlent le même langage. Non pas tout-à-fait, il est vrai, car chacun entend le suffrage universel à sa manière ; mais on n’est pas difficile sur les nuances des principes dans la coalition, et il reste convenu que tout le monde est d’accord. « Remède admirable, s’écrie à ce sujet le National, puisque tant d’esprits, partis de points si opposés et tendant à des conclusions diverses, ont enfin reconnu la nécessité de se rallier pour lutter victorieusement contre le privilége, le monopole, etc., etc. ! » Le remède est bon, en effet, pour tous ceux qui espèrent un autre ordre de choses, et qui rêvent les uns la restauration, les autres la république ou Napoléon III. Il reste à savoir si ces désirs sont ceux de la majorité de la garde nationale ?

Tout en disant qu’il n’y a pas une objection solide à opposer à la réclamation des gardes nationaux, un journal en fait deux cependant. Il demande d’abord, si partout en France, notamment dans les départemens de l’ouest et du midi, les gardes nationaux présentent les mêmes garanties de lumières et d’indépendance qu’à Paris ? À cela, nous répondrons qu’il est peu question de lumières et d’indépendance dans les vues des partisans du suffrage universel. Il s’agit seulement d’avoir une cohue d’électeurs à manier, et de pouvoir conduire aux élections des masses qu’on puisse entraîner vers un but qu’elles ignorent. L’opposition est pleine de sens en demandant le suffrage universel ; elle a remarqué que le corps électoral actuel a un sentiment intelligent des hommes, que les vérités utiles pénètrent assez facilement dans son sein, et que ses projets ne sauraient être accomplis avec des électeurs qui connaissent, après tout, les nécessités et la situation véritable du pays. En un mot, la presse radicale trouve que l’opposition parlementaire actuelle, avec laquelle elle fait cause commune, n’est pas encore à sa hauteur. Un parti légitimiste bien compact, un parti républicain bien complet, introduits dans la chambre,