Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/886

Cette page a été validée par deux contributeurs.
882
REVUE DES DEUX MONDES.

sence de sir George, et s’il fallait tirer une conséquence du nom de M. de Frias, je crois qu’il indiquerait plutôt une continuation de l’influence française qu’une réapparition du parti anglais sur la scène politique.

Influence française ! parti anglais ! que veulent donc dire ces mots appliqués à l’Espagne, et comment s’accordent-ils avec le traité de la quadruple alliance, qui a identifié sur la question espagnole la politique des deux cabinets de Londres et de Paris ? Monsieur, ces mots ne signifient rien ou fort peu de chose, et ce peu qu’ils signifient s’accorde avec le traité de la quadruple alliance, qui est moins encore. En effet, que ce fût Martinez de la Rosa ou Mendizabal, Isturitz ou Calatrava, M. Bardaxi ou M. d’Ofalia, la France et l’Angleterre, malgré leur sympathie pour les uns, leur éloignement pour les autres, n’en ont pas fait davantage pour l’Espagne. La France a gardé fidèlement la frontière des Pyrénées, et a facilité quelques petites opérations pour lesquelles on avait besoin de son territoire. L’Angleterre a maintenu le blocus des côtes de Cantabrie ; elle a contribué par ses forces navales au salut de Bilbao ; elle tient le Passage ; elle transporte des troupes de Santander à Saint-Sébastien ; et quand les carlistes menacent Valence, elle y envoie un vaisseau de ligne qui met ses artilleurs et ses marines à la disposition de la ville. Voilà tout ; c’est le traité de la quadruple alliance. Pour les deux gouvernemens, il n’y a pas non plus grand avantage à faire triompher à Madrid ce qu’on appelle leur influence. Celui dont les partisans y occupent le pouvoir n’en est que plus importuné de vaines demandes de subsides, de garantie d’emprunt, de restrictions commerciales, par une administration qui croit devoir s’adresser plus spécialement à lui. Aussi n’est-ce pas en sa qualité d’ami de la France que l’on doit désirer le triomphe du parti modéré ; mais uniquement parce qu’il fait mieux que son rival les affaires de l’Espagne, et parce qu’il dirigera mieux que lui l’emploi des moyens exclusivement nationaux par lesquels l’Espagne sera sauvée, si elle doit l’être.

Ne prenez cependant pas trop au sérieux l’inquiétude que je vous témoigne sur l’issue définitive de la lutte. L’échec des troupes constitutionnelles devant Morella n’est qu’un succès négatif pour les carlistes, et il y a long-temps qu’ils n’en ont pas eu d’autres. S’ils ne reculent guère, ils n’avancent pas ; les difficultés de leur situation sont immenses, et leur détresse pécuniaire encore plus grande que celle du gouvernement de la reine ; car les alliés secrets de don Carlos, en Europe, le soutiennent moins que jamais, et l’intervention puissante qui a dernièrement essayé de lui faire obtenir quelques subsides en Allemagne, n’a pas réussi. Tous les cabinets de l’Europe, avec des sympathies différentes dans cette cruelle guerre, semblent donc d’accord pour empêcher l’une ou l’autre des parties belligérantes de recevoir des secours étrangers. Le but a été atteint. Jamais don Carlos n’a moins reçu en armes, en munitions de guerre, en argent, soit des puissances italiennes, soit de la Hollande, soit des légitimistes français, et il ne reste rien ou presque rien des deux légions étrangères qui étaient entrées au service de la reine, avec l’autorisation et sous les auspices des gouvernemens de France et d’Angleterre. La division