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INSTRUCTION PUBLIQUE.

qui, ignorant la diversité des routes, n’ont en général que des caprices, et non pas un discernement réfléchi. Se montrer docile à l’expérience, ne pas résister à un dégoût prononcé, et choisir une carrière ordinaire et modeste pour tout enfant qui ne manifeste pas de hautes facultés, voilà la seule règle à suivre. » (Page 135.) — Un moraliste qui eût pris la peine d’observer les enfans avant d’écrire sur l’éducation, saurait que les hautes facultés manifestées dès le bas âge sont des indices bien trompeurs ; que souvent des astres de collége s’obscurcissent tout à coup, tandis que des naturels long-temps engourdis se réveillent et annoncent des aptitudes inespérées. L’éducation commune ne préjuge rien et prépare à tout : la prudence est donc de son côté.

Le procès fait à l’Université, M. de Girardin passe à l’inspection des établissemens professionnels. Cette partie du livre n’est pas indigne d’attention. Elle offre, avec une série d’indications qu’il était bon de rassembler, des considérations souvent judicieuses, qui ne seront pas perdues pour les chefs de famille. Dans la discussion des problèmes sociaux, l’auteur est visiblement gêné, et balbutie plus d’une fois ; mais dès qu’il se trouve dans la région des affaires, il reprend aussitôt l’aisance, le coup d’œil impérieux et scrutateur de l’homme qui rentre chez lui. On lira certainement avec fruit les conseils qu’il donne à ceux qui se destinent à l’agriculture, aux arts et métiers, au commerce, à l’industrie.

Par une étrange inadvertance, M. de Girardin, après avoir attaché le salut de l’avenir à l’établissement des écoles professionnelles, arrive à reconnaître que toutes les professions sont dès aujourd’hui représentées, ou du moins, qu’elles trouvent des secours abondans dans les leçons publiques ou particulières. Que demande-t-il donc ? Il va répondre lui-même. — « Voici quels sont, à notre avis, les établissemens qui manquent, pour compléter notre système d’enseignement public : 1o une faculté des sciences économique, administrative et politique ; 2o une faculté des sciences agronomique, industrielle et commerciale ; 3o des écoles préparatoires pour ces deux facultés. » (Page 378.) — Ces institutions seraient ordonnées de telle sorte, que les aspirans aux emplois industriels ou aux fonctions publiques, pussent suivre un cours complet et régulier d’enseignement, passer des examens, soutenir une thèse, et prendre des degrés, ainsi qu’il se pratique en théologie et en jurisprudence. Nous ne concevons pas l’utilité d’une telle institution pour le négociant : toutes les sciences auxquelles les spéculateurs peuvent emprunter des lumières possèdent déjà des chaires sans nombre ; il y a même pour l’agriculture, le négoce, les arts et métiers, des établissemens que M. de Girardin lui-même a recommandés dans son livre ; la faculté commerciale ne servirait donc réellement qu’à répandre des diplômes. Le banquier-docteur aurait-il un plus grand crédit à la bourse ? suffirait-il d’une thèse brillante pour être accepté comme gérant par une compagnie, ou par un grand propriétaire ? Nous ne nous permettrons pas de décider.

L’idée de l’autre faculté, celle des sciences politique et administrative,