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remparts et dans l’intérieur de la ville flotter une multitude d’étendards. Là-dessus Paskewitch fit sommer les habitans de se rendre ; mais ils firent cette réponse : « Nous ne sommes point des gens de Kars ni d’Erivan, nous sommes des guerriers d’Akhaltzikhé : nous n’avons point de femmes, point de richesses, et nous sommes un millier d’hommes décidés à mourir sur les murailles de notre ville. » La garnison se composait d’hommes déterminés, redoutables à tous leurs voisins par leurs pillages et leurs incursions continuelles ; il s’y était joint beaucoup de déserteurs et de brigands montagnards qui regardaient Akhaltzikhé et Akhalkalaki comme leurs nids et leurs repaires. Paskewitch fit commencer immédiatement les travaux du siége, et dans la nuit suivante on dressa une batterie destinée à agir contre le mur principal de la forteresse et à jeter dans l’intérieur des bombes et des grenades. Le matin suivant, les Turcs, du haut de leurs tours, firent jouer leurs canons contre la batterie russe. Mais le feu des assiégeans fit bientôt taire le leur, renversa entièrement une tour et endommagea beaucoup les autres. Les bombes mirent aussi le plus grand trouble dans la ville : la garnison se cacha dans les caves, et personne ne se montra plus pour défendre les remparts. On fit alors approcher quelques canons, et un feu terrible fut ouvert à petite distance contre les murs et les portes de la forteresse. La garnison perdit complètement courage, et on vit bientôt un grand nombre d’hommes sauter en bas des remparts et chercher leur salut dans la fuite. Deux compagnies poursuivirent les fuyards, deux autres entrèrent dans la ville, et la garnison se rendit ; celle-ci portait la chemise qu’on met aux morts pour marquer qu’elle s’était vouée à mourir et à s’ensevelir sous les ruines de la place. La ville était à peine prise, qu’on vit paraître la cavalerie turque, envoyée pour couvrir la marche de 1,500 lazes qui venaient renforcer la garnison : voyant la place au pouvoir des Russes, elle se retira aussitôt. La prise d’Akhalkalaki était très importante pour la tranquillité de la Géorgie méridionale, parce que c’était le lieu de refuge de tous les brigands qui pillaient ce pays. Il y a un chemin de cette ville à Tiflis : en outre, elle ferme la route qui conduit de Kars à Akhaltzikhé.

Paskewitch marcha ensuite sur la petite forteresse de Ghertvissi, située à huit lieues d’Akhalkalaki sur des rochers escarpés qui s’élèvent au bord du Kour. La nouvelle du succès récent des Russes avait fait une telle impression sur la garnison de Ghertvissi, qu’elle se rendit à la première sommation. Les habitans de la populeuse et fertile vallée du Kour s’étaient enfuis dans les montagnes : mais, ras-