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cours à un malheureux exilé qui se rend, avec un archer, au lieu de sa destination. Tchin-hou, qui trouve très déplacée la bienfaisance dont il n’est pas l’objet, arrache à ce pauvre diable l’argent et les billets de banque qu’il a reçus. Son mauvais naturel se dessine toujours davantage ; il hait celui qui l’a adopté pour frère et convoite sa belle-sœur ; par un conte absurde, il les décide à fuir avec lui dans son pays natal et à quitter leurs vieux parens. Ceux-ci vont attendre les fugitifs au bord du Fleuve-Jaune, et, après avoir tenté en vain de les retenir, coupent une tunique en deux morceaux et leur en donnent la moitié, en leur disant : « Mes enfans, prenez cette moitié ; nous garderons l’autre. Vous penserez à nous quand vous regarderez cette tunique, il vous semblera que vous voyez votre père et votre mère. Nous deux, lorsqu’à force de penser à vous nous en aurons la tête malade et le front brûlant, en voyant cette tunique, ce sera comme si nous vous voyions vous-mêmes. »

Après cette douloureuse et attendrissante séparation, un nouveau malheur vient fondre sur les vieillards délaissés ; leur maison brûle, et avec elle toutes leurs richesses sont consumées ; ils sont réduits à aller par les rues demander l’aumône en chantant.

Ici commence une série d’aventures et de rencontres romanesques, car ce drame est un drame à évènemens. Le petit-fils des deux vieillards abandonnés les retrouve dans la misère à la porte d’un couvent de bonzes, où, devenu un personnage, une excellence, il fait distribuer des alimens aux pauvres. Le banni qu’ils ont soulagé est devenu de son côté chef, et, si l’on veut, maire d’un village. On arrête le couple errant et on le conduit devant cet homme. Cependant leur fils, que Tchin-hou croyait avoir noyé dans le Fleuve-Jaune, n’est point mort et reparaît sous le costume d’un prêtre de Bouddha. C’est lui qui, dans la pagode du sable d’or, reçoit ses vieux parens sans en être reconnu. Ceux-ci, toujours occupés de leur fils qu’ils croient avoir perdu, demandent en le nommant qu’on récite pour lui des prières expiatoires, « afin qu’il passe du purgatoire dans le séjour des immortels. » Le prétendu prêtre de Bouddha reconnaît son père et sa mère, et bientôt après retrouve son épouse qu’un pieux et tendre motif amenait aussi dans la pagode ; puis son fils, devenu mandarin, arrive au même lieu, conduisant prisonnier le criminel Tchin-hou. Enfin le gouverneur de la province vient au nom de l’empereur annoncer la punition du coupable. — Ainsi se termine heureusement ce drame compliqué sur lequel le bouddhisme a mis assez fortement son empreinte.

C’est à la porte d’un couvent bouddhiste que les vieillards retrou-