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DU THÉÂTRE CHINOIS.

ne me prête pas le blasphème d’une absurde comparaison), les Chinois font, sous ce rapport, comme les Grecs.

Dans tous les momens où un des personnage est en proie à une émotion quelconque, il chante. Chacun d’eux fait à son tour l’office lyrique du chœur et exprime dans une poésie qui, du reste, ne ressemble point à celle de Sophocle, les sentimens que la situation fait naître dans son ame ou dans l’ame du spectateur. Ces morceaux sont évidemment l’œuvre de prédilection des poètes et du public chinois. Ils se détachent sur le fond uni du dialogue, comme sur une simple toile une broderie coquette, comme sur un pâle récitatif un brillant air de bravura.

Le théâtre chinois, de même que la vieille comédie latine et la moderne comédie italienne, possède un certain nombre de types dont il existe une nomenclature très détaillée.

Ces notions générales étant posées, parcourons rapidement les diverses pièces chinoises jusqu’ici traduites, en commençant par les deux qu’on peut rapporter à la tragédie historique, l’Orphelin de Tchao et la Tristesse du palais de Han.

L’évènement qui forme le sujet de la première de ces pièces est raconté par le célèbre historien Sé-ma-tsien. Il s’agit de la destruction d’une famille féodale puissante, tentée par la haine d’un ministre pervers, et prévenue par le dévouement de deux hommes généreux, qui sacrifient l’un sa vie, l’autre son propre fils, pour sauver l’unique rejeton des Tchao.

Tchao-so, sentant bien qu’il va succomber à la haine de son ennemi, le ministre de la guerre Tou-an-kou, dit à sa femme : « Princesse, écoutez mes dernières volontés. Vous êtes maintenant enceinte ; si vous accouchez d’une fille, je n’ai rien à vous dire : mais si c’est un fils, je lui donne dans votre sein un nom d’enfant, je le nomme l’orphelin de la famille de Tchao, afin que, devenu grand, il venge les injures de son père et de sa mère. » La princesse, après la mort de son mari, met au monde cet enfant, destiné à perpétuer et à venger sa famille. Mais Tou-an-kou, qui veut la détruire et qui a fait exterminer les trois cents personnes qui la composaient, tient la princesse captive et se prépare à immoler son fils. Un pauvre médecin, attaché à la maison de Tchao, entreprend de le sauver. Il le cache dans une boîte, parmi des simples, et parvient à l’emporter ainsi, grace à la connivence de l’officier préposé à la garde du palais, et qui, placé entre sa consigne et l’envie de sauver l’orphelin, ne se tire d’embarras qu’en se brisant la tête contre un cannellier. Puis Tching-ing,