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DU THÉÂTRE CHINOIS.

M. Bazin, qui est l’œuvre de la fameuse Tchang-koue-pin, n’est pas d’un ton moins relevé que celles qui ont été composées par des lettrés, et la morale n’en est pas moins pure.

Ainsi, ce qu’on trouve dans les récits des voyageurs s’applique souvent à un autre ordre de divertissemens scéniques, dont il faut indiquer ici l’existence et dire un mot pour compléter le tableau du théâtre chinois, auquel n’appartiennent pas seulement les pièces plus régulières dont nous parlerons, mais encore toutes sortes de représentations bizarres et de pantomimes souvent monstrueuses.

Ainsi, pour fêter la naissance de l’empereur, la terre et l’océan parurent sur la scène : l’un et l’autre avaient pour cortége divers produits terrestres ou marins, des baleines, des dauphins, des rochers, etc. Ces singuliers personnages étaient représentés par des acteurs déguisés de manière à produire cette singulière illusion. Après un grand nombre d’évolutions, une baleine vint se placer en face de la loge impériale et vomit plusieurs tonnes d’eau sur le théâtre. L’idée était plus bizarre qu’ingénieuse. Ce genre de divertissement suppose une certaine habileté dans les procédés mécaniques. Un drame muet, encore plus curieux, offrit la mise en scène d’une éclipse selon les idées chinoises, c’est-à-dire de la lutte de la lune et du grand dragon.

Ces représentations, dans lesquelles l’art du machiniste tient lieu d’art dramatique, rappellent des divertissemens analogues exécutés aussi avec un grand appareil de machines, vers la fin du moyen-âge et principalement au XVe siècle, à la cour opulente du duc de Bourgogne.

Mais laissons ce drame pour les yeux, laissons les bouffonneries obscènes, les monstruosités incohérentes de certaines pièces populaires, comme celle que vit jouer M. de Guignes, et dans laquelle, selon ses expressions, l’héroïne devient grosse et accouche sur la scène, et disons quelques mots des conditions et des principaux caractères de l’art dramatique en Chine, tel qu’il s’offre à nous dans les divers ouvrages que nous allons successivement examiner.

Cet art est très peu savant ; les personnages déclinent leurs noms et leur profession en paraissant sur le théâtre, et chaque fois qu’ils entrent en scène, ils reproduisent dans les mêmes termes ce fastidieux protocole. On ne saurait comparer à ce système grossier d’exposition, constamment employé par les dramaturges chinois, les exemples assez rares dans la scène antique auxquels Boileau a fait allusion dans deux vers célèbres :