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INSTITUTIONS FINANCIÈRES.

un perfectionnement de la volonté, qui use de la puissance selon les règles du droit et du devoir.

Il faut, en second lieu, que la prospérité matérielle augmente aussi incessamment, ou que chaque individu humain puisse subvenir toujours plus aisément à ses besoins physiques ; que sa vie, dans cet ordre, soit toujours et plus assurée et plus douce.

Or, ce dernier genre de progrès, quoiqu’il dépende primitivement des deux autres : de la science qui, en multipliant les forces, multiplie les productions, et du devoir mieux connu et mieux pratiqué, qui en procure une distribution plus utile et plus équitable, et d’autant plus utile qu’elle est plus équitable ; ce dernier genre de progrès, dis-je, a néanmoins ses lois particulières, son mode spécial de réalisation observable en elle-même, et c’est de celui-là seul que nous avons à nous occuper ici.

Plaçons-nous tout d’abord dans une société avancée déjà, je veux dire où existent, avec l’agriculture, les arts mécaniques qu’elle suppose et ceux qui contribuent aux commodités de la vie dépouillée de sa première rudesse.

Pour que la production profite à tous, pour qu’elle satisfasse aux diverses nécessités de chacun, deux choses sont indispensables : que l’agriculteur comme l’artisan, l’artisan comme l’agriculteur, produisent plus que ne l’exigent leurs besoins personnels ; que ce surplus de production soit partagé suivant les besoins respectifs. Et il en sera ainsi des agriculteurs entre eux et des artisans entre eux : car tous les sols ne fournissent pas les mêmes objets de consommation, tous les artisans n’exercent pas tous les arts à la fois, tous les métiers ; et dès-lors, la prospérité de la société et son existence même dépendent du partage continuel qui se fait entre ses membres des différens produits du travail.

Or, ce partage s’opère d’abord au moyen de l’échange en nature et ne peut s’opérer autrement. On donne une chose pour en recevoir une autre, du vin pour du blé, du blé pour du fer, des peaux, de la laine, des étoffes, etc. ; et la valeur comparative des objets échangés résulte de l’appréciation qu’en fait chaque contractant d’après le besoin qu’il en a, l’utilité qu’il en retire, l’abondance ou la rareté respective de ces objets.

Tel a été le premier état de l’industrie commerciale. Il caractérise un progrès marqué dans les relations des hommes entre eux, puisqu’avec une certaine organisation des travaux communs, il implique déjà une facilité plus grande de pourvoir à des besoins plus variés.